La Commission d'enquête internationale indépendante sur la Syrie, mandatée par l'ONU, a affirmé lundi qu'elle «n'avait pas obtenu de résultats permettant de conclure que des armes chimiques ont été utilisées par les parties au conflit».

«En conséquence et à ce jour, la Commission n'est pas en mesure de commenter davantage ces allégations», ajoute un communiqué qui apparaît comme un désaveu de déclarations dimanche à la presse d'un de ses membres, le procureur suisse Carla del Ponte, qui a parlé d'usage de gaz sarin par les rebelles.

Mme del Ponte, qui dans ses précédents mandats, notamment en tant que procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), s'était fait remarquer pour des déclarations radicales aux médias, avait affirmé dimanche soir en italien à la chaîne de télévision publique suisse du Tessin, avoir vu un rapport sur «des témoignages recueillis concernant l'utilisation d'armes chimiques, en particulier de gaz neurotoxique, par les opposants et non par le gouvernement».

Elle avait parlé de «forts soupçons, de soupçons concrets» et estimé que ce n'était pas «surprenant» que les rebelles aient utilisé du gaz sarin «car des combattants étrangers se sont infiltrés parmi les opposants».

La Commission d'enquête, dont le mandat s'achèvera en mars 2014, publiera son prochain rapport sur les violations en Syrie du droit international relatif aux droits de l'homme fin mai en vue de le présenter le 3 juin au cours de la prochaine session du Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève.

Le président de la Commission d'enquête, le juriste brésilien Paulo Sergio Pinheiro «rappelle à toutes les parties au conflit que l'utilisation d'armes chimiques est prohibée en toutes circonstances en vertu du droit international humanitaire coutumier».

Les déclarations de Mme del Ponte avaient surpris des spécialistes de ces questions. «Les affirmations de Mme del Ponte sont surprenantes, car nous ne pensons que la Commission d'enquête dispose de preuves pour les soutenir. Dans le débat très controversé sur l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, c'est simplement irresponsable de la part d'un haut responsable de l'ONU d'avancer de telles affirmations sans une base factuelle solide», a ainsi déclaré à l'AFP sous couvert d'anonymat un expert des droits de l'homme.

Les équipes de la Commission d'enquête, mandatée depuis 2011 par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, n'ont jamais reçu le feu vert de Damas pour entrer en Syrie. La Commission mène donc ses enquêtes en se rendant notamment dans les pays voisins de la Syrie, où ses enquêteurs interrogent des réfugiés, des victimes et des médecins notamment.

Une autre Commission d'experts a été mandatée fin mars par le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon pour faire la lumière sur l'usage éventuel d'armes chimiques en Syrie, mais elle s'est vue refuser en avril l'accès au pays par le gouvernement syrien. «Une enquête exhaustive et crédible nécessite d'avoir un accès complet au site où ces armes auraient été utilisées», avait réagi M. Ban Ki-moon appelant le 29 avril les autorités syriennes à autoriser «sans délai et sans condition» cette visite.

Le sarin est un puissant gaz neurotoxique découvert à la veille de la Seconde Guerre mondiale en Allemagne et utilisé par une secte dans le métro de Tokyo en mars 1995, et qui avait causé la mort de 12 personnes.

Outre son inhalation, le simple contact avec la peau de ce gaz bloque la transmission de l'influx nerveux et entraîne la mort par arrêt cardio-respiratoire. La dose létale est d'un demi-milligramme pour un adulte. Il est inodore et invisible.