Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a accusé les États-Unis de livrer des armes aux rebelles en Syrie, à l'issue d'entretiens mercredi à Téhéran consacrés à la crise syrienne et au dossier nucléaire iranien.

« Les États-Unis fournissent à l'opposition des armes qui sont utilisées dans les combats contre le gouvernement syrien », a-t-il affirmé, en justifiant par opposition les ventes d'armement russe à la Syrie qui selon lui « ne violent aucune loi internationale » et portent sur « des équipements défensifs ».

C'est la première fois qu'un responsable russe accuse aussi ouvertement Washington d'armer les rebelles, Moscou s'étant contenté jusqu'à présent de dénoncer des « puissances étrangères » non identifiées qui apportent un soutien militaire à l'opposition.

M. Lavrov a fait ces déclarations, traduites en anglais et en persan par des interprètes officiels, à l'issue d'un entretien avec son homologue iranien Ali Akbar Salehi.

Les deux ministres ont estimé d'une même voix que les positions de la Russie et de l'Iran sur la Syrie étaient « très proches », notamment concernant la nécessité de faire appliquer le plan de l'émissaire international Kofi Annan pour un retour au calme et de résoudre la crise par des négociations entre le régime et l'opposition sans intervention extérieure.

M. Lavrov a précisé que 15 pays, qu'il n'a pas nommés, avaient déjà accepté de participer à la conférence internationale que Moscou a décidé de réunir pour tenter de faire appliquer le plan Annan.

La Russie a souhaité que cette conférence rassemble les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (États-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne), les pays de la Ligue arabe et les voisins de la Syrie.



Washington dément



Les États-Unis ont nié mercredi armer l'opposition syrienne comme l'a affirmé le ministre russe des Affaires étrangères.

« Nous ne fournissons pas et n'avons pas fourni d'armes à l'opposition syrienne », a assuré à des journalistes le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney.

Les États-Unis ont fourni jusqu'à présent aux rebelles syriens des équipements tels que des radios ou du matériel médical, mais restent opposés à une militarisation plus poussée du conflit, selon la présidence américaine.

Le nucléaire iranien à l'ordre du jour

L'Iran, principal allié du régime de Damas dans la région, a appuyé cette conférence à laquelle il a été invité malgré les réserves de certains pays occidentaux et arabes qui accusent Téhéran d'aider les forces syriennes à réprimer l'opposition.

Moscou a estimé que Téhéran était en mesure « d'exercer des pressions constructives sur la Syrie ».

MM. Salehi et Lavrov ont également évoqué le dossier du nucléaire iranien, avant un nouveau round de discussions entre l'Iran et les grandes puissances prévu les 18 et 19 juin dans la capitale russe.

La Russie appartient au groupe des « 5+1 » (avec les États-Unis, la Chine, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne) qui demande à Téhéran de réduire son programme nucléaire controversé afin de donner des garanties sur son caractère pacifique, mis en doute par la communauté internationale.

Après l'échec d'une réunion à Bagdad en mai, les Occidentaux ont demandé à l'Iran de faire à Moscou des « gestes concrets » pour répondre aux demandes des 5+1, notamment sur l'arrêt de l'enrichissement d'uranium à 20 % qui est au coeur des inquiétudes internationales quant à la finalité du programme iranien.

M. Lavrov, qui a également rencontré le négociateur iranien Saïd Jalili, a estimé que l'Iran souhaitait « trouver des solutions » à la crise, sans rentrer dans les détails.

M. Salehi s'est déclaré de son côté « optimiste » avant la rencontre de Moscou. « La question est complexe et il faut avoir de la patience (...), mais nous sommes optimistes sur le résultat final », a-t-il affirmé.

Les dirigeants iraniens ont toujours dit qu'ils n'accepteraient aucune limitation imposée de l'extérieur à ce qu'ils estiment être leurs « droits » nucléaires, mais ils ont laissé entendre à plusieurs reprises ces dernières semaines qu'ils pourraient volontairement réduire l'enrichissement d'uranium si ces droits sont reconnus et les sanctions levées.

Plusieurs médias iraniens ont estimé que M. Lavrov allait demander à Téhéran de modérer ses positions afin de permettre des progrès à Moscou. La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton s'est déclarée pour sa part certaine que les Russes allaient « exercer une pression exceptionnelle » pour convaincre l'Iran de donner une réponse acceptable aux demandes des 5+1.