La justice égyptienne a acquitté lundi 26 hommes accusés de «débauche» pour avoir organisé ou participé à des «orgies homosexuelles» dans un hammam public, un verdict sans précédent dans un pays où être gay est globalement mal perçu.

Si la loi égyptienne n'interdit pas formellement l'homosexualité, plusieurs personnes ont été condamnées ces dernières années pour avoir pris part à des fêtes rassemblant des homosexuels. Ces affaires ont défrayé la chronique dans des médias égyptiens toujours prompts à les dénoncer, voire à publier des photos.

Les 26 hommes ont été interpellés le 7 décembre dans un hammam public du quartier d'Azbakeya, dans le centre du Caire. Leur procès avait commencé le 21 décembre devant un tribunal correctionnel de la capitale égyptienne.

«La cour a décidé d'acquitter tous les accusés», a affirmé le juge, sans justifier son verdict, avant de se retirer immédiatement.

Placés dans le box grillagé des accusés, les 26 hommes ont aussitôt laissé éclater leur joie, en criant «Dieu est grand».

Ils ont ensuite été transférés au commissariat en vue de leur libération. «Vive la justice», ont-ils scandé avec leur famille à la sortie du tribunal.

«Enfin, un tribunal égyptien prononce un verdict conforme à la loi dans une affaire de ce genre,» s'est félicité l'avocat de la défense, Ahmed Hossam.

Pas de preuves 

Les États-Unis, alliés stratégiques du Caire et qui sont parfois en porte-à-faux sur le dossier des droits de l'homme en Égypte, ont «salué une décision qui conclut cette affaire de manière juste». Le département d'État a toutefois rappelé qu'il «restait inquiet de la protection des droits de l'homme» dans ce pays arabe.

«C'est génial et sans précédent en Égypte,» s'est exclamé sur place Scott Long, un militant américain des droits de l'homme qui suivait l'affaire de près.

Plus tard, le parquet a fait appel du verdict, selon un responsable.

Parmi les prévenus se trouvent le propriétaire et quatre employés du hammam, qui étaient jugés pour «administration d'un lieu de débauche». Les 21 autres étaient accusés de «débauche et d'attentat à la pudeur».

«Il n'y avait aucune preuve contre eux,» a indiqué à l'AFP un autre avocat de la défense, Islam Khalifa.

Les images de la descente policière avaient été diffusées sur une télévision privée, montrant les prévenus à moitié nus, portant seulement leurs sous-vêtements ou une serviette autour de la taille. La journaliste qui a filmé la scène, Mona Iraqi, s'était targuée d'avoir dénoncé l'établissement à la police.

«Grâce à Dieu, la vérité a été révélée,» pleurait de joie Hanan, mère de l'un des acquittés. «Mon fils se trouvait dans le hammam avec son ami pour se laver avant son mariage», a-t-elle affirmé.

Précédentes condamnations 

«L'affaire était montée de toutes pièces et allait détruire la vie de 26 familles,» s'est emporté Sayed, le frère d'un autre ex-accusé.

Le verdict de lundi est inédit alors que les autorités sont accusées d'avoir intensifié leur répression contre la communauté gay depuis l'arrivée au pouvoir de l'ex-chef de l'armée élu président, Abdel Fattah al-Sissi, qui avait destitué l'islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013. En septembre, l'organisation Human Rights Watch accusait ainsi les autorités d'avoir «à plusieurs reprises arrêté, torturé et détenu des hommes soupçonnés de conduite homosexuelle».

Fin décembre, huit hommes ont été condamnés à un an de prison après être apparus dans une vidéo filmée, selon le parquet, lors d'un «mariage gay». Et au moins 150 personnes ont été arrêtées en 2014, soupçonnés d'être homosexuelles, selon des défenseurs des droits de l'homme et militants LGBT.

Le verdict de lundi est une «victoire pour la justice» estime Dalia Abdel Hamid, experte de l'Initiative égyptienne pour les droits individuels (EIPR), mais «malheureusement l'acquittement ne va pas faire disparaître la stigmatisation qui pèse sur ces gens et leur famille».

Bouthaina Halim, jeune lesbienne de 34 ans, reconnaît que le verdict est «une victoire qui mérite d'être célébrée» mais souligne qu'il ne s'agit pas d'une «victoire pour la liberté de choix de l'orientation sexuelle, que l'État et les médias continueront de criminaliser et de persécuter».