L'Égypte a interdit mardi le Hamas, le soupçonnant de s'allier avec les Frères musulmans pour commettre des attentats, mais le mouvement palestinien au pouvoir dans la bande de Gaza a accusé Le Caire de «servir» ainsi «l'occupation israélienne».

C'est un tribunal du Caire qui a proscrit les activités et la présence du Hamas, branche palestinienne des Frères musulmans, cible d'une sanglante répression - au moins 1400 morts selon Amnistie internationale - depuis la destitution début juillet par l'armée du  président Mohamed Morsi, membre de cette confrérie et seul chef d'État jamais élu démocratiquement en Égypte.

Les attentats visant policiers et militaires se sont multipliés depuis lors, notamment dans le Sinaï frontalier d'Israël et de Gaza, et de hauts responsables égyptiens accusent régulièrement le Hamas d'être «impliqué».

Par ailleurs, des milliers de Frères musulmans ont été arrêtés, dont la quasi-totalité de leurs leaders, jugés - à l'instar de M. Morsi en personne - dans divers procès, notamment pour «complot», «trahison» et «espionnage» en relation avec des mouvements islamistes étrangers, dont le Hamas.

M. Morsi et les principaux leaders des Frères encourent la peine de mort dans trois des quatre procès en cours. D'ailleurs, plusieurs membres du Hamas palestinien figurent parmi les co-accusés - la plupart jugés par contumace - dans le procès le plus emblématique intenté contre M. Morsi et les cadres de sa confrérie : ils sont tous jugés pour «espionnage», accusés d'avoir «comploté» avec le Hamas et l'Iran pour «déstabiliser» l'Égypte. Ce procès est pour le moment ajourné à une date non définie.

Dans un autre procès pour son évasion de prison lors de la révolte populaire de 2011 qui renversa le régime d'Hosni Moubarak, M. Morsi et des membres du Hamas sont également sur le banc des accusés, les Frères musulmans étant accusés d'avoir fait appel au mouvement palestinien pour attaquer des centres pénitentiaires et des commissariats de police dans tout le pays cette année-là.

L'Égypte «du côté de l'occupant sioniste»

Durant la présidence de M. Morsi, de juin 2012 au 3 juillet 2013, le Hamas - qualifié de «terroriste» par Israël et plusieurs pays occidentaux dont les États-Unis - a été l'un des plus proches alliés du nouveau gouvernement. Mais le gouvernement intérimaire mis en place par le nouvel homme fort de l'Égypte, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, a gelé les relations avec le mouvement palestinien depuis qu'il a ouvertement critiqué la destitution de M. Morsi.

L'interdiction du Hamas en Égypte «vise à étrangler la résistance et sert l'occupation israélienne», a affirmé à Gaza Bassem Naïm, conseiller pour les Affaires étrangères du chef du gouvernement du Hamas, Ismaïl Haniyeh, espérant que cette décision ne se traduirait pas par «des restrictions à la circulation des personnes» vers où en provenance de Gaza.

De nombreuses personnes passent par l'Égypte pour se rendre légalement dans la bande de Gaza, par Rafah, le seul point de passage vers le territoire palestinien qui ne soit pas contrôlé par Israël, mais Le Caire le ferme relativement fréquemment au gré de la situation sécuritaire.

«Nous appelons tous les mouvements et partis égyptiens à rejeter cette décision et à réclamer son annulation», a encore exhorté M. Naïm.

Un porte-parole du Hamas à Gaza, Sami Abou Zouhri, a également démenti que le mouvement islamiste palestinien opère en Égypte. La décision égyptienne, a-t-il ajouté, «situe (Le Caire) aux côtés de l'occupant sioniste et risque de l'isoler du combat historique de la cause palestinienne».

À l'extérieur de Gaza, Ezzat al-Rishq, un membre du bureau politique du Hamas, a qualifié la décision égyptienne de «très dangereuse». «Elle va ouvrir les portes à de nouvelles agressions et à la guerre contre Gaza», a averti ce proche du chef du Hamas, Khaled Mechaal.

Depuis 2012, l'armée égyptienne a détruit des centaines de tunnels entre le Sinaï et la bande de Gaza, qui permettaient à des contrebandiers de fournir notamment du carburant et des matériaux de construction à l'enclave palestinienne, mais qu'Israël et l'Égypte suspectent de servir aussi au passage d'armes et de militants islamistes vers Gaza.

L'armée égyptienne a également lancé une vaste offensive contre les groupes djihadistes dans le Sinaï, d'où certains tirent fréquemment des roquettes vers Israël, Le Caire accusant le Hamas de soutenir ces insurgés islamistes égyptiens. Le mouvement palestinien dément fermement ces accusations.