Les Égyptiens attendaient jeudi sans suspense les résultats d'un référendum constitutionnel où le oui devrait remporter une majorité écrasante, la participation étant la véritable clé de ce scrutin et de l'avenir du chef de l'armée, homme fort du pays.

Ce référendum sur la nouvelle Constitution, une révision de la précédente sans changement majeur, s'apparente à un plébiscite pour le très populaire général Abdel Fattah al-Sissi qui a annoncé son intention de se présenter à la présidentielle si «le peuple le réclame».

Lorsque le chef de l'armée a annoncé le 3 juillet l'éviction du président islamiste Mohamed Morsi, il a assuré répondre au souhait de millions de manifestants ayant réclamé son départ, mais les pro-Morsi - réprimés dans le sang - l'accusent d'avoir mené un «coup d'État».

Une participation massive au référendum de mardi et mercredi permettrait aux nouvelles autorités d'obtenir par les urnes une caution populaire à ce coup de force.

Le quotidien gouvernemental Al-Ahram affirmait jeudi que le oui atteignait «90%», sans toutefois donner le chiffre de la participation. La presse, unanime, saluait ce scrutin qui constitue la première étape de la «transition démocratique» promise par les militaires.

«Le peuple a dit oui», titrait un autre journal gouvernemental, Al-Akhbar, tandis que plusieurs titres évoquaient les futures étapes de la «feuille de route» tracée par l'armée qui prévoit des législatives et une présidentielle en 2014.

A l'approche de ces échéances, le chef de l'armée, également vice-premier ministre et ministre de la Défense, n'a d'ailleurs pas caché ses intentions: trois jours avant le référendum, il a promis de se présenter à la magistrature suprême «si le peuple le réclame», tout en appelant à voter massivement pour le oui.

Le porte-parole du gouvernement, Hani Salah, a indiqué mercredi soir à l'AFP que les autorités espéraient «une participation de plus de 50%», ajoutant que les résultats officiels définitifs seraient annoncés «dans les 72 heures».

La Constitution élaborée sous Mohamed Morsi en 2012 avait recueilli 64% de oui mais seuls 33% des électeurs s'étaient déplacés. Pour les experts, le pouvoir actuel se contenterait même d'un taux légèrement supérieur pour crier victoire.

Après la fermeture des bureaux de vote, le porte-parole de l'armée a remercié les «foules» ayant participé à la «bataille héroïque du référendum».

La victoire du oui ne fait aucun doute tant une vaste majorité des Égyptiens semble s'être rangée --au diapason des médias quasi unanimes-- derrière ce pouvoir qui a destitué et arrêté M. Morsi, premier président démocratiquement élu en Égypte.

Depuis six mois, plus d'un millier de personnes ont péri et des milliers d'autres ont été arrêtés dans la répression des islamistes. Ne reconnaissant ni les nouvelles autorités ni les rendez-vous électoraux qu'elles fixent, les pro-Morsi ont appelé à boycotter le référendum, si bien qu'aucune campagne n'a été menée pour le non.

Devant les bureaux de vote du Caire mardi et mercredi, la quasi-totalité des électeurs interrogés par l'AFP affichaient leur intention de voter «pour le général Sissi» et «contre les Frères musulmans» de M. Morsi, qui avaient remporté toutes les élections depuis la révolte de 2011 et sont désormais considérés comme «terroristes».

Durant les deux jours, plus de 350 personnes ont été arrêtées pour avoir «perturbé les opérations de vote». Mardi, neuf personnes ont péri en marge de manifestations pro-Morsi, tandis qu'une bombe de faible puissance a explosé au Caire.

Washington a appelé à un référendum «transparent», mais déjà, une clause qui doit être votée cette semaine au Congrès autorise le versement de près d'un milliard de dollars à l'Égypte, une aide essentiellement militaire qui avait été partiellement suspendue après le 3 juillet.

Des ONG des droits de l'Homme ont dénoncé un climat de peur et de répression entourant le référendum.

Depuis le 3 juillet, les attentats contre les forces de l'ordre se sont multipliés, quasiment tous revendiqués par des mouvements jihadistes. Pour sécuriser le scrutin, 160 000 soldats et de 200 000 policiers avaient été déployés.

Le projet de Constitution a été débarrassé de clauses ouvrant la voie à une islamisation de la loi, qui avaient provoqué une levée de boucliers sous la présidence Morsi, mais ne modifie que très marginalement les pouvoirs institutionnels et renforce encore un peu plus le poids de l'armée dans la vie politique.