Les Égyptiens ont commencé mardi à voter pour une nouvelle Constitution, un référendum considéré comme un plébiscite pour le chef de l'armée qui a destitué le président islamiste Mohamed Morsi.

Le scrutin se déroulait dans le calme, en dépit d'un attentat au Caire et d'affrontements entre manifestants islamistes et anti-Morsi ayant fait quatre morts dans le centre et le sud du pays.

Le général Abdel Fattah al-Sissi, vice-premier ministre, ministre de la Défense et véritable homme fort du pays le plus peuplé du monde arabe, a appelé samedi les 53 millions d'électeurs à se rendre «massivement» aux urnes et à voter «oui», avant d'ajouter qu'il se présenterait à la présidentielle prévue en 2014 si le «peuple le réclame» et si l'armée soutient sa candidature.

Au Caire, les gens se sont massés dès l'aube devant les bureaux de vote installés dans des écoles, dans des rues barrées par des policiers et des soldats lourdement armés. Devant une école pour filles, des dizaines d'électeurs brandissaient des drapeaux égyptiens et hurlaient des slogans en faveur de l'armée et de Sissi.

La nouvelle Constitution a été rédigée par une commission nommée par le gouvernement intérimaire que le général avait mis en place dès le 3 juillet, après avoir annoncé lui-même la destitution et l'arrestation de M. Morsi, premier président civil et le seul à avoir été élu démocratiquement en Égypte.

Depuis, fort du soutien d'une large majorité de l'opinion publique, le pouvoir dirigé de facto par l'armée réprime implacablement les partisans de M. Morsi, en particulier son influente confrérie des Frères musulmans, qui a appelé à boycotter le référendum.

Plus d'un millier de manifestants ont été tués ces six derniers mois et les pro-Morsi emprisonnés par milliers, mais certains continuent de manifester chaque jour, en petit nombre, au prix de heurts souvent meurtriers.

Parallèlement, les attentats se sont multipliés, y compris au Caire. Ils sont revendiqués par des mouvements djihadistes liés à Al-Qaïda, mais le gouvernement accuse les Frères musulmans d'en être à l'origine et a décrété la confrérie «organisation terroriste».

Mardi, une bombe de faible puissance a endommagé la façade d'un tribunal dans le sud-ouest du Caire, sans faire de blessé, deux heures avant l'ouverture des bureaux de vote.

Après l'explosion, des centaines de personnes se sont rassemblées devant le tribunal, brandissant des portraits du général Sissi.

Scrutin sous haute surveillance

Pour assurer la sécurité du scrutin qui se déroule sur deux jours, le gouvernement intérimaire a annoncé le déploiement de 160 000 soldats et 200 000 policiers dans le pays.

Certaines organisations de défense des droits de l'homme ont dénoncé un climat de peur et de répression de toute opposition, mais la très grande majorité de la population soutient le nouveau pouvoir et n'a d'yeux que pour le général Sissi, dont les portraits ornent les rues et presque chaque boutique au Caire.

En annonçant la destitution de M. Morsi, le chef de l'armée avait invoqué les millions de manifestants réclamant trois jours plus tôt le départ du président qu'ils accusaient de vouloir islamiser de force la société et de ruiner une économie déjà exsangue.

Il avait également donné aussitôt mandat au gouvernement intérimaire de changer la Constitution et d'organiser en 2014 des élections législatives et présidentielle. Cette dernière devrait intervenir dans les six mois.

Pour les experts, le nouveau pouvoir voit dans ce référendum un premier moyen d'obtenir une caution dans les urnes pour ce que ses détracteurs présentent comme un «coup d'État».

«Ils ont besoin d'un vote populaire de confiance clair, qui permettrait au général Sissi de se présenter à la présidentielle s'il le décidait», estime Andrew Hammond, expert au European Council on Foreign Relations.

«Travaillez dur! Nous avons besoin de ce référendum pour sécuriser le pays!», a lancé mardi à ses soldats le général Sissi en visitant un bureau de vote dans le nord du Caire, devant d'innombrables caméras de télévision.

Le projet de nouvelle Constitution a été débarrassé de clauses ajoutées sous M. Morsi renforçant les devoirs religieux, mais ne modifie que très marginalement les pouvoirs institutionnels, en particulier ceux du président. Il renforce cependant quelque peu ceux déjà exorbitants de l'armée.

Depuis qu'une révolte, début 2011, a chassé du pouvoir Hosni Moubarak après 30 ans de règne absolu, les Égyptiens ont déjà été appelés à se prononcer à trois reprises sur des réformes constitutionnelles.