Les forces de l'ordre égyptiennes ont dispersé vendredi des manifestants islamistes et procédé à près de 200 arrestations au nom d'une loi récente dont les militants laïcs ont également fait les frais avec l'arrestation d'une de leurs figures.

Parallèlement, le Comité des 50, chargé de réviser la Constitution par les autorités mises en place par l'armée après la destitution du président islamiste Mohamed Morsi, doit entamer samedi le vote final sur la nouvelle loi fondamentale, qui devra ensuite être soumise à référendum.

Le nouveau pouvoir, engagé depuis le début de l'été dans une répression extrêmement meurtrière des partisans de M. Morsi, disperse depuis plusieurs jours par la force toutes les manifestations n'ayant pas obtenu l'aval du ministère de l'Intérieur, désormais requis par une loi promulguée le 24 novembre.

Faisant fi des promesses de fermeté du ministère de l'Intérieur, les islamistes ont manifesté vendredi à travers le pays, sans toutefois parvenir à mobiliser un grand nombre, au lendemain de la mort d'un étudiant lors de la dispersion par la police d'un rassemblement similaire à l'Université du Caire.

Dans la capitale, policiers et soldats ont dispersé des centaines de manifestants islamistes devant un des palais présidentiels. Selon un journaliste de l'AFP, des tirs ont été entendus et l'air était saturé de gaz lacrymogènes, tandis que des manifestants jetaient des pierres sur les forces de l'ordre.

La police a également tiré des grenades lacrymogènes sur des cortèges à Alexandrie (nord), ainsi qu'à Suez (est), Qena (Haute-Égypte) et Mahalla (Delta du Nil), selon les services de sécurité. Huit personnes ont été blessées selon le ministère de la Santé, tandis que l'Intérieur a fait état de 183 arrestations.

Cette mobilisation intervient deux jours après un verdict qui a suscité l'émoi jusque dans les rangs des partisans des nouvelles autorités dirigées de fait par l'armée. Mercredi, un tribunal a condamné 21 jeunes femmes, dont sept mineures, à des peines de prison pour avoir participé à des manifestations pro-Morsi fin octobre à Alexandrie.

Les accusées, toutes voilées de blanc - la tenue des prisonniers en Égypte -, ont entendu leur verdict derrière les barreaux d'un box des accusés, une image qui a choqué et poussé des figures politiques à réclamer une grâce au président par intérim Adly Mansour.

Vendredi soir, un conseiller présidentiel a démenti des informations de presse évoquant une possible grâce et a affirmé qu'une telle décision n'intervenait «qu'après un verdict définitif», soulignant que les jeunes filles pouvaient encore faire appel.

Après les pro-Morsi, dont la répression lancée début juillet avec l'éviction du président islamiste s'est soldée par la mort de plus d'un millier de personnes, les forces de l'ordre ont désormais ouvert un nouveau front en s'en prenant aux mouvements laïcs de la jeunesse, fer de lance de la révolte populaire qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir début 2011.

Mardi, elles ont violemment dispersé deux cortèges et arrêté une soixantaine de militants, dont une quinzaine de jeunes femmes relâchées sur une route désertique en dehors du Caire.

Et jeudi soir, elles ont arrêté à son domicile Alaa Abdel Fattah, l'une des figures de proue du mouvement laïc pro-démocratie, déjà inquiété sous Moubarak puis sous l'intérim des militaires par la suite. Son épouse a affirmé sur Twitter avoir été «frappée» lors de cette interpellation.

Accusé d'avoir organisé une «manifestation illégale», «provoqué une émeute», «frappé un officier de police et volé son émetteur radio», M. Abdel Fattah a été placé en détention pour quatre jours dans le cadre de l'enquête, selon des sources judiciaires.

Un autre militant célèbre, Ahmed Maher, fondateur du mouvement du 6-Avril à la pointe de la révolte de 2011, est également recherché et accusé d'avoir organisé une manifestation sans avoir prévenu les autorités trois jours auparavant comme le prévoit le nouveau texte.

Revenant sur la dispersion des manifestations mardi, la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) a affirmé avoir recensé plusieurs cas d'arrestation, de détention et de manifestants tabassés. En outre, la FIDH fait état de «harcèlement sexuel sur des femmes et des hommes» manifestant.