Le ministre égyptien de l'Intérieur, dont les forces étaient en première ligne dans la répression des partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi, a échappé jeudi à un attentat au Caire, le premier du genre depuis plusieurs années.

Le ministre Mohammed Ibrahim a aussitôt mis en garde contre «une vague de terrorisme» en Égypte, alors que le pays est pris dans un engrenage de violences meurtrières depuis la destitution de M. Morsi par l'armée le 3 juillet et que cet attentat fait planer le spectre d'un retour aux années 1990 marquées par des attaques sanglantes.

Les autorités installées par l'armée, qui ont restauré l'état d'urgence et imposé un couvre-feu nocturne le 14 août, ont promis d'agir d'«une main de fer» contre quiconque menacerait «la sécurité nationale» et affirmé qu'elles ne permettraient pas un retour du «terrorisme des années 1980 et 1990».

L'attaque, qui pourrait être un attentat-suicide selon l'Intérieur, a visé vers 8 h 30 GMT (4 h 30 à Montréal) le convoi de M. Ibrahim, près de son domicile dans le faubourg de Nasr City. Deux heures après l'explosion, il a dénoncé à la télévision d'État une «lâche tentative» d'assassinat, jugeant «prévisible» une telle escalade.

«J'avais prévenu avec la dispersion (des rassemblements pro-Morsi au Caire) qu'il y aurait une vague de terrorisme», a-t-il déclaré. Il avait récemment affirmé avoir reçu des menaces de mort.

L'armée et le gouvernement assurent mener une «bataille contre le terrorisme» depuis les violences qui ont suivi la destitution et l'arrestation de M. Morsi. Le cabinet a assuré que cet «acte criminel» ne l'«empêcherait pas» de poursuivre ce combat «avec force et détermination et de frapper d'une main de fer quiconque menace la sécurité nationale».

Les islamistes condamnent

Aussitôt, l'Alliance contre le coup d'État, coalition islamiste chapeautée par les Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi, a condamné l'attentat «quels qu'en soient les auteurs» et réaffirmé son «approche pacifique». La Gamaa al-Islamiya, responsable de plusieurs attentats dans les années 1990, a également pris ses distances, dénonçant cet attentat et se prononçant contre le «terrorisme».

La police a été en première ligne dans la répression lancée contre les islamistes avec la dispersion dans un bain de sang le 14 août de ces rassemblements qui a fait des centaines de morts avant d'enflammer une grande partie du pays.

Le lendemain, le ministère de M. Ibrahim avait autorisé les forces de l'ordre à ouvrir le feu sur les manifestants hostiles.

Plus d'un millier de personnes ont péri durant ces violences, en grande majorité des partisans de l'ex-chef de l'État, et plus de 2000 membres des Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi - toujours détenu au secret et qui doit être jugé -, ont été arrêtés, y compris leur Guide suprême Mohammed Badie.

Les islamistes appellent régulièrement à de nouvelles mobilisations, insistant sur leur caractère «pacifique», mais pour les experts, une frange islamiste pourrait se radicaliser et verser dans le terrorisme après le coup de force des militaires.

«Il y a une répression sécuritaire et la crise est encore récente», note Issandr El Amrani, responsable de l'Afrique du Nord au sein d'International Crisis Group. «Il est évident que certains islamistes ont le sentiment qu'il n'y a aucune négociation possible avec le régime et il y a eu des appels publics à la violence».

Dans le nord du pays, la péninsule du Sinaï, où des groupes djihadistes ont établi leur base arrière à la lisière de la bande de Gaza, a récemment également connu un regain de violences, qui a atteint son paroxysme le 19 août avec 25 policiers tués dans l'attaque la plus meurtrière contre les forces de l'ordre depuis des années.

Jeudi encore, un policier et un officier ont été tués dans le Sinaï et sur la route reliant Le Caire à Ismaïliya, sur le canal de Suez, selon des sources au sein des services de sécurité.

Dix policiers ont été blessés dans l'attentat visant le ministre de l'Intérieur, selon des responsables des services de sécurité. Un haut responsable du ministère a affirmé à l'AFP que l'un des policiers avait perdu une jambe dans l'explosion.

Un journaliste de l'AFP a vu sur place une voiture entièrement détruite ainsi que la devanture d'un magasin et des véhicules soufflés.

La police a par ailleurs bouclé les accès au ministère au centre-ville, une mesure de prévention, a indiqué l'agence officielle Mena.

Le président par intérim a estimé récemment que l'état d'urgence - dont la levée avait été un des acquis de la révolte populaire qui avait renversé début 2011 Hosni Moubarak - pourrait, comme prévu, être levé mi-septembre, mais l'attentat du Caire pourrait changer la donne.

Photo Reuters

Le ministre égyptien de l'Intérieur Mohammed Ibrahim (au centre).