Les islamistes ont appelé à des manifestations dimanche en Égypte au lendemain de l'évacuation houleuse d'une mosquée du Caire où étaient retranchés des centaines de manifestants, faisant craindre de nouvelles violences après quatre jours de heurts qui ont fait plus de 750 morts.

Au total, 385 personnes qui se trouvaient à l'intérieur de la mosquée Al-Fath, évacuée samedi par les forces de l'ordre après une nuit de siège, ont été arrêtées, a annoncé le ministère de l'Intérieur.

Les partisans du président islamiste Mohamed Mordi, destitué par l'armée le 3 juillet, ont appelé à de nouvelles manifestations dimanche après-midi au Caire, pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme un «coup d'État».

Malgré leur appel à des protestations désormais quotidiennes, aucune manifestation n'a été signalée samedi dans le pays, même si quelques rassemblements ont eu lieu dans la soirée.

À Alexandrie (nord), des affrontements ont opposé des manifestants islamistes à d'autres civils, selon l'agence officielle Mena, dont l'information n'a pas pu être vérifiée dans l'immédiat.

L'état d'urgence et un couvre-feu nocturne restent en vigueur dans le pays, devenu un véritable champ de bataille depuis la dispersion dans le sang mercredi au Caire des campements des partisans de M. Morsi, premier président démocratiquement élu du pays.

Devant la mosquée Al-Fath dans le centre du Caire, un journaliste de l'AFP a vu samedi des policiers faire sortir de force sept ou huit hommes et tirer pour disperser une foule de résidents en colère, massés à l'extérieur, qui a violemment frappé les hommes à coups de bâtons et de barres de fer.

Selon l'agence officielle Mena, des tireurs ont ouvert le feu à la mi-journée sur les forces de l'ordre depuis le minaret de la mosquée.

Les policiers et les militaires ont immédiatement répliqué, selon le journaliste de l'AFP avant de tirer des grenades lacrymogènes et de prendre d'assaut la mosquée. En fin d'après-midi, des sources de sécurité ont affirmé que la police avait évacué la mosquée.

Depuis vendredi soir, décrété journée «de la colère» par les pro-Morsi, de nombreux manifestants, dont des femmes, s'étaient réfugiés dans la mosquée. Plus d'un millier s'y trouvaient toujours quand la police est intervenue, selon les Frères musulmans, l'influente confrérie de l'ex-chef de l'État.

Justice de rue

L'Égypte avait connu mercredi la journée la plus sanglante depuis la chute du régime de Hosni Moubarak en février 2011, avec 578 morts, la plupart des pro-Morsi tués lors de l'opération sanglante contre leurs campements au Caire.

Au total, plus d'un millier de personnes, essentiellement des pro-Morsi, ont été tuées depuis fin juin dans des affrontements avec les forces de l'ordre et avec des anti-Morsi.

Dans un pays où les divisions n'ont jamais semblé si profondes, les violences ont fait surgir le spectre d'une justice de rue.

Des «comités populaires» -- surtout des groupes de jeunes souvent excités et armés -- se sont mis en place et fouillent les passants, contrôlent l'accès à leur quartier et amènent de force à l'armée et à la police toute personne leur paraissant suspecte.

Alors que M. Morsi est détenu au secret par l'armée depuis sa destitution, le ministère de l'Intérieur a pour sa part annoncé avoir arrêté plus d'un millier d'islamistes vendredi. Le frère du chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri a également été arrêté dans la banlieue du Caire pour «soutien» à M. Morsi.

Le fils du Guide suprême des Frères musulmans a été mortellement touché par balle durant ces heurts, a annoncé la confrérie.

«Lutte contre le terrorisme»

Le gouvernement affirme désormais «combattre le terrorisme», mais le choix de la solution sécuritaire qu'il a adoptée depuis mercredi a provoqué une salve de critiques à l'étranger.

Si le nouveau pouvoir a encore assuré samedi que les membres des Frères musulmans avaient leur place dans la transition, la Bolivie a qualifié leur répression de «génocide» et Cuba a condamné «la mort de civils innocents».

Dans le même temps, le consulat d'Égypte à Benghazi, dans l'est libyen, a été visé samedi par une attaque à l'engin explosif qui n'a pas fait de victime, selon un responsable de sécurité.

Samedi, Londres a condamné les récentes violences en Égypte, tant l'«usage disproportionné de la force par les forces de l'ordre» que les actions de certains manifestants. Le ministre des Affaires étrangères William Hague a par ailleurs dénoncé les attaques contre des lieux de culte, notamment des mosquées et des églises, survenues ces derniers jours dans tout le pays.

Même son de cloche de la part du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, qui a dénoncé un «usage excessif de la force» contre les manifestants, et «condamné fortement les attaques contre les églises, les hôpitaux et d'autres bâtiments publics, qu'il trouve inacceptables».

Le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle a appelé à un «dialogue, incluant toutes les forces politiques». Sinon le danger est très grand que le sang coule encore plus et (...) que pointe le danger d'une guerre civile», a-t-il prévenu.

Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a fustigé samedi le Conseil de sécurité de l'ONU, l'Union européenne et l'Organisation de la coopération islamique (OCI), leur reprochant de ne pas avoir condamné la répression.

En revanche, Amman et surtout Riyad, qui a annoncé samedi l'envoi de trois hôpitaux mobiles en Égypte, ont affirmé soutenir le pouvoir égyptien «face au terrorisme».