Les Frères musulmans ont appelé à des manifestations vendredi au Caire dans le cadre d'un «vendredi de la colère», après de nouvelles attaques jeudi contre les forces de sécurité en Égypte au lendemain de la répression de manifestants pro-Morsi qui a fait près de 600 morts.

Alors que de nombreux pays occidentaux ont condamné ce bain de sang, les 15 pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont appelé jeudi soir les différentes parties en Égypte à faire preuve d'un «maximum de retenue».

Les Frères musulmans ont quant à eux appelé à des rassemblements au Caire après la prière traditionnelle du vendredi, augurant d'une nouvelle journée sous tension dans ce pays placé en état d'urgence.

«Les défilés contre le coup d'État demain (vendredi) partiront de toutes les mosquées du Caire et se dirigeront vers la place Ramses après la prière pour un "vendredi de la colère"», a précisé le porte-parole de la confrérie islamiste, Gehad El Haddad, sur son compte Twitter.

Les États-Unis ont de leur côté annulé des exercices militaires communs et incité leurs ressortissants à quitter l'Égypte, sans aller jusqu'à interrompre l'aide annuelle (plus d'un milliard de dollars) versée en grande partie à la toute-puissante armée de leur grand allié. Mais Washington se réserve la possibilité de prendre des «mesures supplémentaires», a averti le président Barack Obama.

Ce dernier a «condamné avec force les mesures prises par le gouvernement intérimaire égyptien», comme la réinstauration de l'état d'urgence. La présidence égyptienne a immédiatement réagi en dénonçant «des déclarations non basées sur des faits» qui, selon elle, risquent «d'encourager les groupes armés violents».

Loin de chercher l'apaisement, le pouvoir égyptien mis en place par l'armée a annoncé avoir autorisé la police à tirer à balles réelles sur quiconque s'en prendrait à des bâtiments officiels ou aux forces de l'ordre, faisant craindre de nouvelles violences sanglantes.

Cette annonce du ministère de l'Intérieur a été faite après une attaque contre le siège de la province de Guizeh dans la banlieue du Caire et la mort de neuf policiers et militaires, attribuées à des «islamistes» notamment dans la péninsule instable du Sinaï.

Le gouvernement avait auparavant salué la «très grande retenue» de la police après la dispersion mercredi des deux camps érigés au Caire par les partisans du président Mohamed Morsi destitué et arrêté le 3 juillet par l'armée, et les violences qui se sont propagées ensuite dans tout le pays.

Selon un dernier bilan du ministère de la Santé, 578 personnes ont péri, dont 535 civils, la journée la plus meurtrière en Égypte depuis la révolte ayant chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak en février 2011.

Le ministère a précisé que 228 personnes avaient péri sur la place Rabaa al-Adawiya, principal point de rassemblement occupé depuis plus d'un mois par des milliers de pro-Morsi. Aussi, 90 autres ont péri dans la dispersion du second sit-in pro-Morsi au Caire. Selon les autorités, 43 policiers ont été tués.

À la suite des violences, l'état d'urgence a été décrété pour un mois et un couvre-feu est imposé dans la moitié du pays de 19 h (13 h à Montréal) à 6 h (minuit à Montréal). La levée de l'état d'urgence avait été un des acquis de la révolte de 2011.

Accentuant les divisions, Tamarrod, le principal mouvement à l'origine des manifestations monstres ayant conduit à la destitution de M. Morsi, a appelé les Égyptiens à former des «comités populaires» pour défendre le pays contre ce qu'il appelle le «terrorisme» des Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi.

Les Frères musulmans ont évoqué 2200 morts et plus de 10 000 blessés.

Plusieurs figures égyptiennes se sont désolidarisées de l'intervention des forces de l'ordre, notamment le vice-président Mohamed ElBaradei, prix Nobel de la paix, qui a démissionné, et le grand imam d'al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite.

Éviter la «guerre civile»

La communauté internationale, qui avait tenté une médiation pour éviter cette issue dramatique, a condamné les violences.

À l'ONU, où des consultations ont eu lieu à la demande conjointe de la France, du Royaume-Uni et de l'Australie, le Conseil de sécurité a souhaité que «les parties en Égypte fassent preuve d'un maximum de retenue».

Navi Pillay, Haut commissaire de l'ONU responsable des droits de l'Homme, a réclamé une enquête sur l'assaut des forces égyptiennes.

Le président français François Hollande a appelé à tout mettre «en oeuvre pour éviter la guerre civile». Paris et Berlin ont convoqué les ambassadeurs égyptiens, tandis que le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a appelé le Conseil de sécurité à se réunir après ce «massacre».

La Turquie a rappelé pour consultations son ambassadeur en Égypte.

Le pape François a appelé à prier «pour la réconciliation» dans le pays où plusieurs églises ont été attaquées mercredi. La Chine s'est dite «très préoccupée» et Moscou a recommandé à ses ressortissants de s'abstenir de voyager en Égypte.

Le pouvoir avait sommé maintes fois les manifestants pro-Morsi de se disperser sous peine de le faire par la force, mais ceux-là ont refusé, disant vouloir rester sur place jusqu'au rétablissement de M. Morsi dans ses fonctions.

Avant l'assaut, les heurts en marge de manifestations pro et anti-Morsi et les attaques contre les forces de sécurité dans le Sinaï avaient fait plus de 300 morts depuis fin juin.

Le nouvel homme fort du pays, le chef de l'armée et général Abdel Fattah el-Sissi, avait invoqué les millions de manifestants pour destituer le 3 juillet M. Morsi, accusé d'avoir accaparé le pouvoir et d'avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.

Les pro-Morsi dénoncent un coup d'État contre le premier président démocratiquement élu du pays et refusent de participer au processus de transition.