Des affrontements violents entre partisans du président destitué Mohamed Morsi et opposants au régime islamiste ont fait un mort mardi soir au Caire, alors que les pro-Morsi avaient manifester dans la journée en particulier aux abords de plusieurs ministères.

Selon les forces de sécurité égyptiennes, une personne a été tuée et au moins dix ont été blessées lorsque les pro et anti-Morsi se sont affronté à coups de chevrotines. Par ailleurs, les résidents du quartier de Guizeh ont brisé la vitrine d'un grand magasin tenu par des islamistes.

Ces affrontements ont éclaté alors que la tension ne cesse de monter sur une possible intervention des autorités pour disperser les milliers de pro-Morsi occupant deux places du Caire.

L'une de leurs marches avait brièvement dégénéré aux abords du ministère des Biens religieux, où des heurts ont éclaté entre des partisans de l'ex-chef de l'État islamiste et des résidents du centre du Caire, poussant la police à tirer des grenades lacrymogènes.

Ce bras de fer avec le pouvoir, installé par l'armée, qui s'est engagé à vider les places Rabaa al-Adawiya et Nahda des milliers d'islamistes y campant depuis plus d'un mois avec femmes et enfants inquiète la communauté internationale, qui redoute un nouveau bain de sang.

Les États-Unis ont demandé mardi aux autorités égyptiennes de laisser manifester les partisans du président destitué Mohamed Morsi, s'inquiétant d'une nouvelle éruption de violence. «Nous encourageons le gouvernement intérimaire à laisser le peuple manifester, c'est un élément fondamental pour faire avancer le processus démocratique», a plaidé la porte-parole adjointe du département d'État, Marie Harf.

Depuis l'expiration dimanche d'un ultimatum de la police, les islamistes multiplient les appels à défiler à travers l'Egypte pour maintenir la pression sur les nouvelles autorités et exiger le retour au pouvoir de M. Morsi, premier président élu démocratiquement du pays, destitué et arrêté par l'armée le 3 juillet.

Au lendemain de la prolongation de 15 jours de la détention préventive de M. Morsi, accusé de s'être évadé de prison début 2011 avec la complicité du Hamas palestinien, des dizaines de personnes ont manifesté devant plusieurs ministères au Caire entourés par les forces de l'ordre.

Des partisans de M. Morsi ont également défilé à Alexandrie.

L'Alliance contre le coup d'État, une coalition pro-Morsi avait appelé à une manifestation d'«un million de personnes»  mardi, sous le slogan «Ensemble contre le coup d'État et les sionistes».

Cet élargissement du mot d'ordre traditionnel visait à faire vibrer la corde nationaliste après un raid aérien sur le Sinaï, attribué par des jihadistes à Israël qui, selon les médias israéliens, coopère étroitement avec l'armée égyptienne sur le dossier sensible de la sécurité dans la péninsule.

Les autorités ont annoncé qu'elles disperseraient les pro-Morsi de façon «graduelle», pour persuader certains manifestants d'évacuer pacifiquement avant que l'assaut ne soit lancé contre les plus déterminés.

Mais la mobilisation ne faiblit pas à Rabaa al-Adawiya et Nahda, où des barricades de briques et de sacs de sable ont été érigées.

Alors que le gouvernement et la presse quasi-unanime les accusent d'être des «terroristes» ayant stocké des armes automatiques sur les deux places et se servant des femmes et des enfants comme «boucliers humains», les Frères musulmans répètent à l'envi que leurs rassemblements sont pacifiques.

Les violences entre pro et anti-Morsi et entre pro-Morsi et forces de l'ordre ont déjà fait plus de 250 morts depuis fin juin.

Le gouvernement peine à adopter une stratégie claire, déchiré entre partisans de la manière forte, soutenus par une grande partie de la population, et tenants du dialogue, appuyés par la communauté internationale.

«Ce ne sont pas des sit-in comme les autres» car «il s'agit de la force politique la mieux organisée du pays et la police sait que le prix à payer sera plus élevé», note Rabab al-Mahdi, professeur de Sciences politiques à l'Université américaine du Caire.

Les Frères musulmans, longtemps interdits et réprimés en Egypte, ont remporté les législatives qui ont suivi la chute du président Hosni Moubarak en 2011, puis la présidentielle.

Les nouvelles autorités entendent cependant lancer une période de transition devant mener à des élections début 2014 et ont nommé 20 nouveaux gouverneurs. En juin, M. Morsi avait provoqué un tollé en nommant plusieurs gouverneurs proches des islamistes.

Ahmed al-Tayyeb, grand imam d'Al-Azhar, plus haute institution sunnite qui avait apporté sa caution à l'armée le 3 juillet, a annoncé qu'il avait invité toutes les parties à venir négocier un compromis.

Les Frères musulmans ont affirmé n'avoir reçu aucune invitation et refusent catégoriquement de dialoguer avec les autorités «illégitimes».