Le guide des Frères musulmans a appelé à une mobilisation pacifique vendredi contre la destitution du président Mohamed Morsi, après un appel de l'armée à manifester pour la soutenir, les deux camps s'accusant d'entraîner l'Égypte dans une guerre civile.

Les États-Unis se sont dits «inquiets» que l'appel du général Abdel Fattah al-Sissi aux Égyptiens à lui manifester leur soutien massif pour «en finir avec le terrorisme» attise les violences politiques.

Les violences ont fait en un mois plus de 200 morts, dont une quarantaine dans des attaques dans le Sinaï, selon un décompte de l'AFP à partir de sources médicales et de la sécurité.

La police a annoncé le déploiement de nombreux renforts pour assurer la sécurité des cortèges rivaux de vendredi, tandis que Mohamed Badie, le Guide des Frères musulmans, mouvement de M. Morsi, a appelé à manifester «pacifiquement» contre le «coup d'État militaire sanglant».

«Les masses égyptiennes honorables qui ont arraché leur liberté à l'ancien régime la préserveront de la même manière pacifique», a affirmé dans un communiqué M. Badie, passé dans la clandestinité à la suite d'un mandat d'arrêt lancé contre lui après des troubles déclenchés par la destitution de M. Morsi le 3 juillet.

«Le dernier discours du chef du coup d'État montre qu'il est le dirigeant de fait du pays, et que tous ceux qui l'entourent sont des comparses», a-t-il dit au sujet du général Sissi, lui imputant la responsabilité principale de l'effusion de sang.

Les médias égyptiens, largement favorables à la destitution de M. Morsi, titraient sur la harangue du chef de l'armée, le quotidien indépendant Al-Masri al-Youm proclamant: «Sissi appelle et le peuple répond».

À l'inverse, au Qatar, l'Association des oulémas présidée par l'influent prédicateur d'origine égyptienne Youssef al-Qaradaoui, qui soutient le président déchu, a émis une fatwa appelant les Égyptiens à «ne répondre à aucun appel conduisant à la guerre civile ou couvrant la violence contre quelque partie que ce soit ou incitant à la sédition».

Le texte exhorte les Égyptiens à «préserver le caractère pacifique de leurs manifestations et à rester patients» et la communauté internationale à «une initiative d'urgence pour résoudre cette crise dangereuse qui menace la sécurité de l'Égypte et de l'ensemble du monde arabo-musulman».

«Pas le moment d'exiger des élections»

Les États-Unis ont annoncé, dans une première décision concrète, la suspension de la livraison de quatre chasseurs F-16 à l'Égypte, bénéficiaire d'une importante aide militaire américaine.

Dans un éditorial jeudi, l'influent commentateur américain Thomas Friedman reconnaît qu'il «aurait mieux valu que Morsi soit chassé par un vote», conseillant au «président Barack Obama d'ignorer les appels à couper l'aide économique à l'Égypte au motif que la dernière révolution constituerait un coup d'État».

«Ce n'est pas le moment pour l'Amérique de punir les Égyptiens ou d'exiger des élections rapides», insiste-t-il, proposant «d'aider le nouveau gouvernement à prendre les bonnes décisions économiques, en faisant continuellement pression pour qu'il devienne plus inclusif».

«J'appelle tous les Égyptiens honnêtes à descendre dans la rue vendredi pour me donner mandat afin d'en finir avec la violence et le terrorisme», a déclaré mercredi le général Sissi lors d'une cérémonie militaire.

Les Frères musulmans ont condamné un «appel explicite à la guerre civile», et appelé à des rassemblements vendredi «contre le coup d'État».

L'armée nie viser les islamistes



L'armée égyptienne a assuré jeudi que l'appel de son chef à manifester contre le «terrorisme» et la violence ne visait pas les islamistes qui avaient qualifié son discours d'«appel à la guerre civile».

«L'appel du général Abdel Fattah al-Sissi ne constituait pas une menace envers un groupe politique en particulier», a réaffirmé le porte-parole de l'armée sur sa page Facebook

Un porte-parole du président par intérim Adly Mansour, Ahmed al-Maslamani, a affirmé de son côté que l'Égypte avait «débuté une guerre contre le terrorisme».

Le groupe Tamarrod («rébellion»), initiateur de la mobilisation contre M. Morsi, a relayé la position du nouveau pouvoir, invitant à manifester vendredi «pour réclamer officiellement le jugement de Mohamed Morsi et soutenir les forces armées égyptiennes dans leur guerre à venir contre le terrorisme».

Les violences se poursuivaient entre-temps dans la péninsule du Sinaï, qui connaît un regain d'activité de groupes islamistes armés. Mercredi, cinq personnes, dont deux soldats, ont été tuées dans de nouvelles attaques dans le nord de cette région frontalière d'Israël et de la bande de Gaza.