La communauté internationale paraissait prête jeudi à travailler avec le nouveau pouvoir en Égypte, même si de nombreux pays ont appelé à un retour rapide au processus démocratique après le renversement du président Mohamed Morsi par l'armée.

Aucune grande puissance occidentale n'a prononcé le terme de «coup d'État» contre le dirigeant islamiste élu démocratiquement il y a un an, un évènement que les démocraties seraient obligées de condamner.

Une des plus vives réactions est venue de l'Allemagne, dont le ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle a évoqué «un échec majeur pour la démocratie en Égypte».

«Il est urgent que l'Égypte retourne aussi vite que possible à un ordre constitutionnel», a-t-il ajouté, se faisant l'écho au message envoyé par plusieurs dirigeants occidentaux.

Quelques heures après que les militaires eurent destitué à la faveur d'un large mouvement de contestation le président Morsi, issu des Frères musulmans, le président américain Barack Obama s'était dit «profondément inquiet» de l'évolution de la situation dans le plus grand des pays arabes, auquel les États-Unis apportent une aide militaire essentielle.

«J'appelle maintenant le pouvoir militaire égyptien à rendre toute l'autorité rapidement et de manière responsable à un gouvernement civil démocratiquement élu selon un processus ouvert et transparent», a dit M. Obama.

Sans qualifier le coup de force contre M. Mosri, le président Obama a seulement annoncé qu'il allait demander aux agences et ministères concernés d'étudier les «implications» légales de la nouvelle situation pour l'aide que Washington verse annuellement à l'Égypte - et qui, en vertu de la loi américaine, ne peut aller vers un pays où un coup d'État a eu lieu.

Washington a aussi ordonné l'évacuation de son ambassade au Caire.

Son allié britannique a annoncé d'emblée qu'il coopérerait avec le nouveau pouvoir.

«Nous ne soutenons pas les interventions militaires dans un système démocratique», a dit le chef de la diplomatie britannique William Hague. «Mais nous travaillerons avec les autorités en place en Égypte».

M. Hague a estimé que le renversement du gouvernement du président Morsi était un «dangereux précédent». Mais «nous devons comprendre que cette intervention est populaire, a-t-il ajouté.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a demandé jeudi qu'«un gouvernement civil soit remis en place aussi vite que possible, reflétant les aspirations du peuple». Il a estimé qu'une solution devait unir l'ensemble des forces politiques.

La Chine a déclaré «respecter le choix du peuple égyptien» et aussi appelé au dialogue et à la réconciliation.

Inquiétude en Israël

La Russie a appelé de son coté toutes les forces politiques d'Égypte à la «retenue» et à se situer dans le cadre «démocratique, sans violence et dans le respect des intérêts de toutes les couches et toutes les confessions de la société égyptienne», selon le ministère des Affaires étrangères.

Moins diplomate, le président de la commission des Affaires étrangères de la Douma Alexeï Pouchkov, a estimé que «le printemps arabe n'a pas entraîné la démocratie, mais le chaos».

L'Union européenne a elle aussi appelé toutes les parties à «retourner rapidement au processus démocratique», notamment avec une nouvelle présidentielle, promise par les militaires, mais à une date non fixée.

Elle s'est abstenue de parler de coup d'État tout en demandant que les droits du président Morsi déposé soient respectés.

La France a pris «acte» de l'annonce en Égypte de nouvelles élections. Le chef de la diplomatie Laurent Fabius a «souhaité que les échéances soient préparées dans le respect de la paix civile, du pluralisme, des libertés individuelles et des acquis de la transition démocratique».

Dans la région, le roi Abdallah d'Arabie Saoudite a été le premier dirigeant étranger à féliciter le nouveau président par intérim, Adly Mansour, qualifié de «président de la République arabe d'Égypte soeur» avant même sa prestation de serment.

La Syrie, avec qui le président Morsi avait rompu les relations diplomatiques, a estimé que sa chute représentait un «grand accomplissement».

En Israël, le gouvernement restait largement silencieux sur la crise dans le premier pays arabe avec qui il a signé la paix, en 1979.

«C'est un problème intérieur égyptien», a seulement déclaré le ministre des Transports Israël Katz. Mais, selon un responsable anonyme, «la situation actuelle envoie des ondes de choc dans tout le monde arabe, d'où une certaine inquiétude en Israël».

Côté palestinien, le président Mahmoud Abbas a félicité le nouveau président égyptien «dans cette phase transitoire» et a «rendu hommage au rôle joué par les forces armées pour (...) empêcher (l'Égypte) de basculer vers un destin inconnu».

Le Qatar continue à soutenir l'Égypte



Le Qatar, principal appui aux Frères musulmans, a affirmé jeudi continuer à soutenir l'Égypte sans féliciter le nouveau président intérimaire Adly Mansour qui a remplacé, à la faveur d'un coup d'État, l'islamiste Mohamed Morsi.



«Le Qatar continuera à soutenir l'Égypte dans son rôle de leader des mondes arabe et musulman», a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Doha.

«Le Qatar continuera à respecter la volonté et les choix du peuple d'Égypte», tout en souhaitant «un renforcement de l'unité nationale des Égyptiens (...) dans le respect de l'esprit de la révolution du 25 janvier 2011» qui avait renversé le régime de Hosni Moubarak, a-t-il ajouté.

Le Qatar a soutenu à bout de bras ce soulèvement et a été ensuite le principal soutien financier et politique des islamistes égyptiens après leur arrivée au pouvoir.

Un «grand accomplissement» selon Damas



Le pouvoir en Syrie, confronté à une rébellion au sein de laquelle les Frères musulmans jouent un rôle important, estime que la chute du président islamiste égyptien Mohamed Morsi est un «grand accomplissement», selon un communiqué officiel lu jeudi à la télévision d'État.

«Le peuple syrien, sa direction et son armée expriment leur profonde admiration pour le mouvement national et populaire en Égypte qui a conduit à ce grand accomplissement», affirme le communiqué.

«C'est un tournant radical en faveur de la préservation de la démocratie, du pluralisme, du droit à la différence, du refus de voir l'État devenir l'apanage des Frères musulmans non seulement en Égypte, mais aux niveaux arabe et international», ajoute-t-il.

Amnistie Internationale a lancé de son côté un appel à l'armée pour qu'elle «fasse tout ce qui est en son pouvoir pour préserver les droits de l'homme et la sécurité de chacun en Égypte, quelles que soient ses opinions politiques».