Il est accusé de «menacer l'ordre public», de s'être moqué de l'islam et d'avoir «insulté» le président égyptien Mohamed Morsi. Il n'est pourtant ni à la tête d'une milice extrémiste ni sur une tribune en train de haranguer une foule hystérique. Mais son pouvoir n'en est pas moins subversif. Voici l'humoriste égyptien Bassem Youssef, «dangereux» animateur d'une émission de télé corrosive et hilarante...

Al-Bernameg

C'est le nom de son émission satirique diffusée hebdomadairement à la chaîne égyptienne privée CBC. Comme l'animateur américain Jon Stewart et son Daily Show, Bassem Youssef distribue ses blagues en alternant entre son pupitre d'animateur et des sketches, usant de perruques et d'autres déguisements grotesques qui font crouler de rire l'assistance. Récemment, il s'est présenté sur le plateau avec un immense chapeau, réplique géante de celui qu'a porté le président égyptien lors d'un voyage au Pakistan, où il a reçu un diplôme honorifique. Youssef s'est d'ailleurs couvert la tête de ce même chapeau ridicule lorsqu'il s'est rendu à la cour, dimanche. Aux États-Unis, Jon Stewart a pris lundi soir la défense de son homologue égyptien. «La démocratie n'est pas une démocratie si elle s'arrête au moment où quelqu'un se moque de votre chapeau.»

Tradition

La controverse survient dans un pays qui, ironiquement, est réputé dans le monde arabe pour son sens de l'humour légendaire. Un trait culturel dont les révolutionnaires de la place Tahrir ont allégrement exploité en 2011, avec des pancartes rigolotes pour ridiculiser le régime Moubarak. Hier, les États-Unis ont dénoncé la «tendance préoccupante à ce que la liberté d'expression soit de plus en plus contrainte» en Égypte.

Accusations

Dimanche, Bassem Youssef, ex-cardiologue converti à la comédie, a été interrogé pendant cinq heures par un procureur à la suite du dépôt d'une plainte l'accusant de multiplier les attaques contre les islamistes, d'appeler à la «guerre civile», de s'être «moqué du rituel de la prière» et d'avoir insulté M. Morsi, président du pays et membre des Frères musulmans, pour avoir «raillé son image à l'étranger». Il a été finalement libéré en échange d'une caution de 15 000 livres égyptiennes (2230$). «J'ai l'impression qu'on veut nous épuiser physiquement, émotionnellement et financièrement», a dit sur Twitter l'humoriste, qui précise être un musulman modéré. En entrevue sur CNN, il a dit qu'il s'attend à se retrouver un jour derrière les barreaux. «Nous devons accepter que ça puisse arriver n'importe quand. Mais en attendant, nous allons nous amuser.»

- Avec l'Agence France-Presse