L'opposition égyptienne manifestait de nouveau mardi contre le projet de Constitution dans l'espoir de relancer la mobilisation avant la seconde phase, samedi, d'un référendum sur ce texte qui semble en voie d'être adopté, mais divise profondément le pays.  

Ces rassemblements se doublent d'une aggravation de la crise entre les magistrats et le président islamiste Mohamed Morsi : un nouveau groupe de juges a en effet annoncé qu'il se joignait au boycottage de la supervision du scrutin, dont la première phase s'est déroulée le 15 décembre.

Des centaines de manifestants ont commencé à se rassembler dans l'après-midi à travers Le Caire pour marcher vers la place Tahrir et le palais présidentiel, à l'appel du Front du salut national (FSN) qui réunit les principaux mouvements de l'opposition de gauche et libérale.

«Nous ne sommes pas d'accord avec cette Constitution et nous ne reconnaissons pas la validité de ce référendum. Il n'y a pas de véritable supervision judiciaire et nous avons vu beaucoup de fraudes», a affirmé à l'AFP l'un d'eux, Ayyoub Laouindi.

Le FSN avait appelé à manifester à travers le pays «pour défendre les libertés, empêcher la fraude et rejeter le projet de Constitution».

Outre l'opposition, plusieurs ONG ont affirmé que la première partie du vote, qui a concerné la moitié environ des 51 millions d'électeurs et donné près de 57 % au «oui» selon des chiffres officieux, avait été entachée par des irrégularités.

Le ministère de la Justice a annoncé avoir délégué des juges pour enquêter sur ces violations présumées.

La seconde partie du vote doit avoir lieu dans 17 gouvernorats. Les résultats officiels des deux tours seront publiés après cette phase.

Les chiffres officieux laissent présager que le texte sera adopté, malgré son rejet par une opposition qui lui reproche de favoriser une islamisation accrue du pays et d'offrir peu de garanties pour les libertés.

Avec une courte avance du «oui», ce référendum est à ce stade loin de constituer le plébiscite envers le président Morsi espéré par les islamistes.

Le camp présidentiel fait valoir que ce projet de Constitution doit enfin apporter une stabilité institutionnelle à l'Égypte, et clore la transition mouvementée qui a suivi la chute du régime de Hosni Moubarak en février 2011.

«Les divisions affectent l'économie»

L'influente armée a une nouvelle fois mis en garde contre les risques d'une crise prolongée.

«Les divisions affectent l'économie et menacent la paix sociale, ce qui demande de serrer les rangs, renoncer aux différends et faire prévaloir l'intérêt général», a déclaré le ministre de la Défense et commandant des forces armées, le général Abdel Fattah al-Sissi, cité par la presse.

Le Fonds monétaire international a annoncé la semaine dernière le gel d'une demande du Caire pour un prêt de 4,8 milliards de dollars, et lundi l'Allemagne a annoncé la suspension d'un effacement partiel de la dette égyptienne en raison de ses inquiétudes sur l'évolution de la situation dans le pays.

Le boycottage de la supervision du référendum par les magistrats s'est par ailleurs étendu, sans que son impact sur l'organisation du vote ne soit encore clair.

Le Club des juges du Conseil d'État s'est joint lundi aux nombreux magistrats qui refusent déjà de participer à la surveillance des urnes pour dénoncer une ingérence du pouvoir exécutif dans la justice. La présence de juges est obligatoire dans les bureaux de vote.

Les tensions entre le pouvoir et la justice se sont aussi traduites par l'annonce le même jour de la démission du procureur général Talaat Ibrahim Abdallah sous la pression d'un sit-in de membres du Parquet. Sa nomination il y a moins d'un mois par M. Morsi était très contestée.

«C'est une nouvelle crise pour M. Morsi, qui démontre que ses décisions ne sont pas acceptées par des secteurs importants dans l'appareil de l'État», estime Moustafa Kamel el-Sayyed, professeur de sciences politiques à l'Université du Caire.