Un casino. Un parc d'attractions. Des studios de télévision. Des hôtels de luxe. Jusqu'à samedi, Media City, en banlieue du Caire, semblait à des années-lumière de la crise politique qui secoue l'Égypte.

Mais voilà que ce week-end, des centaines de partisans d'organisations islamistes et salafistes ont pris d'assaut ce haut lieu du cinéma et de la télévision. Devant les portes des studios, ils ont dressé des tentes, étalé des couvertures et des tapis de prière.

Leur objectif: se faire entendre. Et demander aux chaînes télévisuelles de leur donner leur juste place sur les ondes.

«Aux élections, plus de 51% des Égyptiens ont voté pour Mohamed Morsi, ancien dirigeant des Frères musulmans. Comment se fait-il alors que la seule voix que nous entendons dans les médias est celle de l'opposition? Il faut que tout le monde sache qu'il y a deux options en Égypte. Il y a seulement une chaîne qui diffuse nos leaders», se désole le Dr Medhat Tawfiq, en marge d'une bruyante manifestation. La plupart des manifestants, tout comme le Dr Tawfiq, portent une longue barbe.

Tension palpable

En arrière-plan, les «Allah Akbar» (Allah est grand) montent vers le ciel. Ici, pas d'insultes proférées contre le président du pays, mais plutôt des éloges. «Oh! Notre bon président purifie l'Égypte», entend-on entre deux professions de foi à l'islam. «Islam, nous te protégerons de tout. Même avec notre sang».

Parmi les protestataires, le projet de constitution qui fera l'objet d'un référendum, rejeté par l'opposition, fait l'unanimité. Surtout l'article qui confirme la place prépondérante de la loi islamique, la charia, dans le nouveau régime.

«C'est normal de ne pas être dirigé par des lois chrétiennes dans un pays qui a une population musulmane à 90%», plaide Mohamed Abdelazim, Cairote de 27 ans qui participe au «sit-in» des islamistes devant la station de télévision depuis le début.

En manifestant devant Media City, à plus d'une heure de voiture du palais présidentiel, les islamistes respectent les directives des Frères musulmans, qui leur ont demandé de ne pas se confronter aux manifestants de l'opposition.

Néanmoins, la tension reste palpable. Les protestataires islamistes ont promis de s'en prendre à Media City si le camp rival s'en prend à nouveau au palais présidentiel.

Hier, lors de notre passage à Media City, nous avons été témoins d'une scène qui en disait long sur les divisions profondes qui balafrent la société égyptienne post-Moubarak. Une femme qui sortait de Media City a roulé à toute allure au milieu des manifestants, passant tout près d'en blesser plusieurs. Les manifestants ont intercepté la voiture et, à coup de bâtons apparus d'un peu partout dans le campement, ont violemment cassé les fenêtres de la voiture. Lors du départ de La Presse, des ambulances se dirigeaient vers la scène.