Les États-Unis redoublent de prudence depuis le début de la crise entre le président égyptien Mohamed Morsi et l'opposition, Barack Obama semblant privilégier sa relation avec son homologue tant que l'issue de la crise est incertaine.

Pour Washington, le dilemme est de soutenir les aspirations démocratiques des Égyptiens sans fâcher l'un de ses alliés régionaux les plus importants, qui s'est révélé crucial dans la conclusion d'un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël le 21 novembre.

Quand Mohamed Morsi, loué par les Américains pour sa médiation de la crise à Gaza, signe le lendemain un décret s'octroyant quasiment les pleins pouvoirs, Washington est pris au dépourvu. La diplomatie américaine ne condamne pas l'acte, déclare que la situation n'est «pas claire», avant d'appeler l'opposition à manifester pacifiquement.

Mais les manifestations s'intensifient et mercredi, des milliers d'opposants encerclent le palais présidentiel pour réclamer le retrait du décret et le report du référendum constitutionnel du 15 décembre.

Le chef de la diplomatie américaine, Mme Hillary Clinton, appelle alors au dialogue et affirme que les Égyptiens méritent une «Constitution qui protège les droits de tous les Égyptiens, hommes comme femmes, musulmans comme chrétiens».

Jeudi, le président Obama décroche son téléphone pour faire part à Mohamed Morsi de son «inquiétude», après les violences de la nuit de mercredi à jeudi qui ont fait sept morts et des centaines de blessés autour du palais présidentiel.

Dans cet échange, Barack Obama a «renouvelé le soutien des États-Unis au peuple égyptien et leurs efforts pour une transition vers une démocratie qui respecte les droits de tous les Égyptiens», mais sans prendre position sur le décret controversé du 22 novembre.

Il ne s'est pas exprimé publiquement sur la crise qui ébranle l'Égypte depuis plus de deux semaines.

Cette réponse timorée révèle la tension entre les intérêts américains dans la région et la volonté d'y soutenir le développement de la démocratie, après avoir soutenu pendant trois décennies Hosni Moubarak.

Les Européens plus fermes

«Pendant tout ce soulèvement, l'administration Obama a été curieusement réservée», a écrit le commentateur David Ignatius dans le Washington Post.

«Il est fou que Washington semble prendre parti contre ceux qui veulent une Égypte plus progressiste, plus tolérante, et en faveur de ceux qui veulent la charia. Mais d'une manière ou d'une autre, voilà où l'administration se trouve aujourd'hui».

Les responsables américains, qui continuent d'exprimer leur trouble, rappellent que le président égyptien s'est engagé à honorer le traité de paix de 1979 avec Israël, priorité absolue de Washington.

Reste que l'attitude américaine tranche avec le ton plus ferme des Européens.

La France a critiqué dès le lendemain le décret du 22 novembre. L'Allemagne a menacé de revoir son aide au développement à la lumière des progrès démocratiques du pays.

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a dénoncé un «coup d'État» et appelé à couper les fonds à l'Égypte.

Le Congrès américain bloque actuellement 450 millions de dollars d'assistance financière au gouvernement égyptien, mais malgré l'appel de quelques élus, le gouvernement n'entend pas remettre en cause le chèque de 1,3 milliard de dollars envoyé chaque année à l'armée égyptienne.

«Les États-Unis ont une relation différente avec l'Égypte, ils ont une importante coopération militaire avec l'armée égyptienne, on comprend qu'ils puissent être plus en retrait que l'Union européenne», explique un diplomate européen sous couvert d'anonymat.