Les Égyptiens élisent à partir de mercredi un nouveau président, quinze mois après le renversement d'Hosni Moubarak, lors d'un scrutin dont l'issue, pour la première fois, n'est pas connue d'avance et qui doit clore une période de transition mouvementée.

Le premier ministre Kamal al-Ganzouri a demandé mardi à la population de «rester unie pour assurer la réussite de ce processus électoral et accepter la décision de la majorité qui sortira des urnes».

Il a exprimé l'espoir que cette élection «se déroule dans le calme» et a appelé candidats et forces politiques «à demander à leurs partisans de respecter la volonté des autres».

Quelque 50 millions d'électeurs sont appelés aux urnes mercredi et jeudi pour le premier tour de cette élection pour laquelle une douzaine de candidats s'affrontent. Un second tour est prévu les 16 et 17 juin au cas où aucun d'entre eux n'emporterait la majorité absolue au premier.

«C'est vraiment un moment historique. Autour de moi au moins 70 % des gens ne parlent que de cela tout le temps», affirme Hazem Tharwat Mohammed, un jeune homme de 24 ans originaire de Haute-Égypte qui tient une boutique au Caire.

Les principaux prétendants sont l'ancien chef de la Ligue arabe Amr Moussa, le dernier premier ministre de M. Moubarak Ahmad Chafiq, l'islamiste indépendant Abdel Moneim Aboul Foutouh, le candidat des Frères musulmans Mohammed Morsi, ainsi que le nationaliste arabe, Hamdeen Sabbahi.

«Dans ma famille, tout le monde soutient Morsi, sauf mon père qui votera pour Amr Moussa, et la famille passe son temps à débattre», affirme Hind Ahmed, 25 ans.

Ibrahim Farag Hassa, qui vend des jouets sur un marché du quartier de Choubra, au Caire, se déclare quant à lui «inquiet que les islamistes puissent gagner. Ils essayent de prendre le contrôle de tout, la révolution, le Parlement, la Constitution et maintenant la présidence».

Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) avait déjà souligné lundi «l'importance d'accepter les résultats de l'élection qui reflèteront le choix du peuple égyptien libre».

Les militaires, qui dirigent le pays depuis le départ de M. Moubarak, ont promis que le scrutin serait «100 % transparent» et qu'ils ne soutenaient aucun candidat en particulier.

L'armée a promis de rendre le pouvoir aux civils avant la fin juin, une fois le nouveau chef de l'État élu.

La campagne s'est officiellement achevée lundi, et les candidats ne peuvent plus apparaître en public ni donner d'interviews. Les rues des villes du pays sont couvertes depuis des semaines d'affiches de toutes tailles témoignant d'efforts intenses pour capter le vote des électeurs.

Les candidats islamistes espèrent pouvoir capitaliser sur leur succès aux législatives, qui leur ont donné une majorité écrasante au Parlement.

L'électorat islamiste apparaît toutefois très divisé entre le candidat officiel des Frères musulmans Mohammed Morsi, et M. Aboul Foutouh, un dissident de la confrérie dont les soutiens vont des fondamentalistes salafistes à de jeunes laïques libéraux.

Amr Moussa et Ahmad Chafiq, tous deux issus de l'ancien régime, se posent en rempart contre l'islamisme, et cherchent à capter un électorat désireux de revenir à la stabilité après quinze mois d'une transition marquée par une dégradation de la situation économique et sécuritaire.

Hamdeen Sabbahi, dont la campagne a décollé tardivement, joue sur le souvenir du nationalisme panarabe autrefois incarné par l'emblématique président Gamal Abdel Nasser.

Le président du Parlement, Saad al-Katatni, membre des Frères musulmans, a affirmé lundi que «l'Égypte était le théâtre d'une expérience démocratique sans précédent».

M. Katatni s'exprimait lors d'une rencontre avec l'ancien président américain Jimmy Carter, arrivé en Égypte à la tête d'une délégation du Centre Carter pour observer le déroulement de l'élection.

La mouvance des «jeunes de la révolution», à la pointe du combat pour renverser M. Moubarak au nom d'un idéal de démocratie, n'a pas de candidat propre et est divisée sur le choix de celui qui pourrait porter ses idées.