Les Égyptiens ont voté mardi pour leurs députés dans un dernier tiers du pays, une élection où la large avance déjà acquise par les islamistes les propulse au centre du jeu politique de l'après-Moubarak.

Quelque 15 des 50 millions d'électeurs inscrits étaient appelés à participer à leur tour sur deux jours à la première élection depuis la chute du président Hosni Moubarak en février.

Les résultats des deux premières zones du vote, entamé le 28 novembre avec notamment Le Caire et Alexandrie, ont assuré une large victoire aux islamistes, avec environ 65% selon des chiffres provisoires.

Cette domination islamiste a peu de chances d'être remise en cause dans le dernier tiers du pays, qui comprend neuf gouvernorats du Sinaï, du delta et de la vallée du Nil, ou encore des oasis du sud-ouest.

Dans la région de Qalioubya, au nord du Caire, quelques dizaines de personnes patientaient à l'extérieur d'un bureau de vote. «Je suis très heureuse aujourd'hui, je sens que mon pays est en train de changer», affirmait une électrice, Amira, 25 ans.

À Minya, une ville de Moyenne-Égypte à forte population chrétienne copte, les électeurs semblaient voter dans une ambiance détendue malgré les tensions confessionnelles des derniers mois, a constaté un correspondant de l'AFP.

À Charm el-Cheikh, grande station balnéaire du sud-Sinaï, le parti des Frères musulmans, le «parti de la liberté et de la justice» (PLJ) avait mardi les faveurs de nombreux électeurs, qui cherchaient à dissiper les craintes de voir le tourisme pénalisé par une victoire islamiste.

«Si Dieu le veut, le PLJ va gagner. Ce sont de bonnes gens. Le tourisme est leur priorité, ils ne l'arrêteront pas», déclarait une électrice, Oum Mohammed, une fonctionnaire dont le mari travaille dans le secteur touristique.

«La plupart des gens du PLJ ici travaillent dans le tourisme, ils sont les premiers préoccupés par son avenir», estime une de ses amies, Oum Esraa, venue voter elle aussi.

L'industrie touristique égyptienne autrefois florissante traverse une grave crise en raison du climat politique instable qui règne depuis la révolte anti-régime qui a mené à la chute du président Moubarak en février dernier.

Charm el-Cheikh, célèbre pour ses nombreuses conférences internationales, fut aussi longtemps la résidence secondaire de M. Moubarak, aujourd'hui jugé et placé en détention préventive dans un hôpital militaire du Caire.

Une nouvelle audience de son procès s'est ouverte mardi, au cours de laquelle il doit notamment répondre de la mort de manifestants lors de la révolte contre son régime.

Le procureur Moustafa Souleimane l'a décrit comme un «dirigeant tyrannique» ayant «ruiné son pays sans rendre de comptes».

Les partis libéraux et les mouvements issus du soulèvement, morcelés et mal implantés, sont sortis laminés des deux premières phases du scrutin.

La poussée des islamistes égyptiens reflète les progrès de cette mouvance ailleurs dans un monde arabe en plein bouleversement depuis un an.

Aucun incident majeur n'a été signalé lors des opérations de vote proprement dites jusqu'à présent.

Cette élection se déroule toutefois dans un contexte politique tendu, marqué en novembre et décembre par la répression meurtrière de manifestations, principalement au Caire, contre le conseil militaire qui dirige le pays.

Le climat s'est tendu la semaine dernière avec la perquisition des locaux de plusieurs ONG égyptiennes et étrangères -dont trois américaines et une allemande-, suspectées de recevoir des fonds «illégaux» de l'extérieur.

Certaines de ces ONG participent à l'observation des élections en cours.

L'élection des députés doit être suivie à partir du 29 janvier de celle de la chambre haute consultative du Parlement, la Choura, jusqu'au 22 février.

Le Parlement devra ensuite désigner une commission chargée de rédiger une nouvelle constitution.

Les militaires ont promis de remettre les rênes du pays à un pouvoir civil après une élection présidentielle avant fin juin.

Cette dernière phase de l'élection des députés doit connaître un second tour la semaine prochaine.