Le président Hosni Moubarak est resté invisible depuis le début des manifestations en Égypte, où les militants hostiles au régime, peu organisés politiquement, disposent désormais d'une figure de proue avec Mohamed ElBaradei, et du renfort des Frères musulmans.

Vendredi après-midi, c'est la télévision d'État qui s'est chargée d'annoncer sa décision d'instaurer le couvre-feu et d'appeler l'armée en renfort de la police pour tenter de restaurer l'ordre, sans qu'il n'apparaisse à l'écran.

La presse gouvernementale a assuré simplement vendredi que le président «suivait la situation».

Elle faisait aussi état d'un appel téléphonique jeudi du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, qui lui a exprimé sa «confiance dans la stabilité de l'Égypte».

M. Moubarak est officiellement attendu samedi pour la traditionnelle ouverture du salon annuel du livre du Caire, mais compte tenu des événements sa participation est plus qu'incertaine.

Le premier ministre Ahmed Nazif, très discret lui aussi, ne devait s'adresser que dimanche devant le Parlement.

Brocardé depuis mardi par des manifestants qui réclament son départ à cor et à cris, le chef de l'Etat, 82 ans, en fonction depuis trois décennies et à la santé incertaine, a laissé à des seconds rôles le soin de s'exprimer publiquement.

Le ministre de l'Intérieur, Habib al-Adli, dont la foule réclame la tête, s'est fait discret après avoir déclaré mardi que les manifestants étaient des «inconscients» dont l'action ne serait pas suivie.

Son ministère a depuis averti qu'il prendrait «des mesures décisives» contre les manifestants.

Le Parti national démocrate (PND) du président Moubarak a quant à lui cherché à se montrer bienveillant à l'égard de la «belle jeunesse», nombreuse dans la rue, mais sans rien céder de concret et en estimant que leur mouvement était récupéré par les islamistes des Frères musulmans.

Les manifestations «ont été pacifiques dès le début, la belle jeunesse, brandissant des drapeaux égyptiens, s'est exprimée avec respect et de façon civilisée», a déclaré jeudi lors d'une conférence de presse Safwat al-Chérif, secrétaire général du PND.

Mais il a mis en cause «des personnes avec des intérêts politiques appelant au chaos», une allusion aux Frères musulmans, première force d'opposition, qui ont décidé de se joindre aux manifestations.

Le politologue Amr Hamzawi estime toutefois que cette stratégie du pouvoir est dépassée par les faits.

«Le 25 janvier (début des manifestations), on a assisté à l'effondrement de l'illusion du gouvernement et de ses services de sécurité, qui pensaient que quelques centaines de personnes seulement descendraient dans la rue».

En fait, «la participation des jeunes à des manifestations de masse a brisé la barrière de la peur» sur laquelle comptait le régime pour endiguer le mouvement, souligne-t-il dans le journal indépendant Al-Chorouq.

Le régime doit aussi désormais compter sur la présence en Égypte de Mohamed ElBaradei, opposant revenu jeudi soir au Caire après plusieurs semaines de séjour privé en Europe.

L'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la Paix s'est immédiatement placé dans la perspective d'un après-Moubarak, en se proposant pour conduire une «transition».

M. ElBaradei et son mouvement, l'Association nationale pour le changement, soutiennent depuis le début la vague de protestations initiée par des groupes de militants pro-démocratie s'exprimant sur internet.

Il a participé vendredi à une prière musulmane en présence de quelque 2000 personnes, à l'issue de laquelle des incidents ont éclaté avec la police.