Le Canada, les États-Unis et une trentaine d'autres pays ont formellement reconnu, vendredi, l'opposition libyenne comme gouvernement légitime du pays, jusqu'à ce qu'une nouvelle autorité intérimaire soit mise en place.

Sans surprise, la décision a été rejetée par Mouammar Kadhafi.

Plusieurs pays avaient déjà reconnu l'opposition libyenne comme l'interlocuteur légitime en Libye, sans toutefois la reconnaître comme gouvernement, ce que l'opposition souhaitait depuis des mois. La décision devrait permettre de débloquer des fonds dont les rebelles libyens ont un besoin urgent.

Les lignes de front dans le conflit libyen semblent stagner depuis le début du soulèvement contre le régime Kadhafi, en février. Les rebelles, appuyés par la force aérienne de l'OTAN, contrôlent une bonne partie de l'est du pays et certaines parties de l'ouest. Mais les forces pro-gouvernementales contrôlent le reste du pays à partir de leur bastion de Tripoli, la capitale.

Les ministres des Affaires étrangères et les représentants du Groupe de contact sur la Libye, réunis à Istanbul, ont déclaré vendredi dans un communiqué que «le régime Kadhafi n'a plus aucune autorité légitime en Libye». Les signataires affirment que l'homme fort de la Libye et certains membres de sa famille doivent partir.

Les délégués ont indiqué qu'à partir de maintenant, ils ne discuteraient qu'avec le principal groupe d'opposition libyen, le Conseil national de transition (CNT), en tant qu'«autorité légitime de gouvernance en Libye». Le Groupe de contact sur la Libye compte 32 membres, notamment des pays membres de l'OTAN, de l'Union européenne ou de la Ligue arabe.

Cette reconnaissance formelle donnera un important coup de pouce politique et financier à l'opposition libyenne. Les États-Unis, notamment, pourront financer l'opposition avec les quelque 30 milliards $ d'avoirs du régime Kadhafi qui sont gelés dans des banques américaines.

Les représentants du Groupe de contact ont applaudi spontanément quand la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a annoncé que les États-Unis reconnaissaient le CNT, selon des responsables américains.

«Les États-Unis considèrent que le régime Kadhafi n'a plus aucune autorité légitime en Libye», a dit Mme Clinton. «Alors, j'annonce aujourd'hui que, jusqu'à ce qu'une autorité intérimaire soit mise sur pied, les États-Unis reconnaissent le CNT comme l'autorité légitime de gouvernance en Libye, et nous transigerons avec lui sur cette base», a-t-elle ajouté.

Dans une déclaration audio diffusée vendredi à l'intention de milliers de ses partisans dans la ville de Zlitan, Mouammar Kadhafi a rejeté la décision, affirmant que le peuple libyen allait «persévérer».

S'adressant au Groupe de contact, il a déclaré: «Vous dites que Kadhafi est fini. Alors pourquoi tous ces gens manifestent leur appui à l'extérieur?».

Un porte-parole des rebelles libyens, Mahmoud Shammam, a salué la reconnaissance du CNT, et a appelé la communauté internationale à envoyer des fonds pour soutenir l'opposition.

Il a précisé que l'opposition espérait organiser des élections d'ici un an et reprendre les exportations de pétrole très bientôt, assurant que les dommages aux installations pétrolières étaient minimes et déjà réparés. M. Shammam a toutefois exclu tout nouveau contrat pétrolier avant qu'un nouveau gouvernement élu n'entre en fonction.

Certains observateurs se demandent toutefois si le CNT représente tout l'éventail de la société libyenne. Human Rights Watch a appelé vendredi le Groupe de contact à faire pression sur l'opposition pour garantir la sécurité des civils dans les zones sous le contrôle des rebelles.