Les Libyens votent mercredi pour des législatives cruciales pour l'avenir du pays, mais à l'issue très incertaine, dans un climat d'insécurité et d'instabilité politique totale.

Le scrutin a été maintenu malgré une escalade de la violence en particulier dans l'est du pays, théâtre depuis un mois d'affrontements quotidiens entre une force paramilitaire loyale au général dissident Khalifa Haftar et des groupes islamistes.

Les Libyens sont appelés à élire les 200 membres de la future Chambre des représentants, qui doit remplacer le Congrès général national (CGN, Parlement), la plus haute autorité politique et législative. Ce Parlement a été élu en juillet 2012 lors du premier scrutin libre dans l'histoire du pays, après plus de quarante ans de dictature sous l'ancien régime de Mouammar Kadhafi.

Quelque 32 sièges sur 200 sont réservés aux femmes, tandis que les listes politiques ont été bannies. Seuls des «candidats individuels», mais pas forcément indépendants, ont été appelés à se présenter au scrutin.

Ainsi la composition politique du futur Parlement ne sera connue qu'après la formation de blocs politiques parlementaires.

Les résultats préliminaires du scrutin devraient être annoncés à partir du 27 juin, selon une source au sein de la Haute commission électorale (HNEC). Les résultats définitifs devraient être annoncés mi-juillet, selon la même source.

Seuls 1,5 million de Libyens se sont inscrits pour le scrutin contre plus de 2,7 millions en 2012 sur 3,4 millions d'électeurs éligibles. Ils doivent choisir entre 1628 candidats.

1601 bureaux de vote seront ouverts de 8 h (2 h, heure de Montréal) à 20 h, à travers le pays divisé en 17 circonscriptions.

Tourner la page du Congrès

En organisant ces élections, les Libyens veulent tourner la page du CGN accusé d'être responsable de tous les maux du pays. Ils nourrissent l'espoir d'élire de nouveaux dirigeants en vue de mettre fin aux tiraillements politiques entre libéraux et islamistes et rétablir l'ordre dans ce riche pays pétrolier miné par les violences et l'anarchie depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.

Le Congrès est accusé d'avoir accaparé presque tous les pouvoirs et d'avoir contribué à l'instabilité dans le pays, notamment en appuyant des milices islamistes aux dépens de l'armée.

C'était sous la pression de la rue que le Congrès a accepté de céder la place à un nouveau corps élu, après avoir décidé initialement de prolonger jusqu'en décembre 2014 son mandat qui expirait en février.

«La crise en Libye a été causée par les membres du CGN qui ont fait dévier le pays du processus démocratique et ont découragé les gens à s'inscrire pour élire leurs représentants au futur Parlement», a estimé l'analyste libyen Salem Soltan.

Ce professeur en géopolitique a estimé que les candidats aux législatives de mercredi n'avaient «pas le poids social ou politique suffisant pour imposer leurs points de vue au Parlement» qui risque d'être dirigé à l'avenir par des hommes «de l'ombre aux ordres des chefs de guerre et des milices».

La sécurité du scrutin suscite d'ailleurs de vives inquiétudes, dans un pays en proie aux milices et où les intérêts de la tribu et de la région passent avant celui de l'État.

L'insécurité inquiète

«Il y a un risque que le scrutin soit perturbé voire reporté dans certains bureaux de vote, notamment à Benghazi et Derna (est)», fiefs des groupes islamistes radicaux, a indiqué à l'AFP une source au sein de la HNEC.

Le gouvernement a chargé la semaine dernière le ministre de l'Intérieur par intérim et le chef d'état-major de l'armée régulière de mettre en place un plan de sécurité pour les élections.

Mais en l'absence d'une armée et d'une police professionnelles, leur tâche ne sera pas aisée, notamment après la défection de plusieurs unités qui s'étaient alliées avec le général Khalifa Haftar.

Accusé par les autorités de mener un coup d'État, M. Haftar conduit depuis plus d'un mois une opération contre les «groupes terroristes», qui font la loi à Benghazi (est), depuis la chute du régime de Kadhafi.

Des affrontements opposent régulièrement les deux camps depuis le lancement de l'opération du général Haftar, le 16 mai, faisant plus d'une centaine de morts.

M. Haftar a annoncé une «trêve» au cours du scrutin, mais les groupes islamistes n'ont pas fait connaître leur position.