Le gouvernement libyen a demandé jeudi à toutes les milices de quitter Tripoli en réaction à un appel à l'aide du Parlement lancé à d'ex-rebelles, face à un général dissident qui rallie de plus en plus de soutiens.

Plusieurs milices de Misrata (ouest) sont entrées dans la banlieue sud de Tripoli jeudi, selon des témoins et des ex-rebelles, répondant à l'appel du président du Congrès général national (CGN, Parlement) qui leur avait demandé de venir «protéger la capitale et les institutions de l'État» après une attaque dimanche contre le Congrès.

En réaction, le cabinet du premier ministre sortant Abdallah Al-Theni a appelé «tous les chefs de brigades armées dans le grand Tripoli à rester loin de la scène politique pour ne pas mettre en danger la ville et ses habitants», selon un communiqué lu par le ministre de la Culture, Habib Lamine.

Les autorités libyennes ont été jusque-là incapables de contenir les puissantes milices armées formées de rebelles qui ont participé à la révolte en 2011 contre le régime Kadhafi, n'ayant pas pu mettre en place une police ou une armée disciplinées.

Au milieu de cette confusion totale, le général dissident Khalifa Haftar a accentué la pression sur les autorités en exigeant la mise en place d'un «Conseil présidentiel» pour mener une période de transition dans un pays devenu selon lui un «repaire pour les terroristes».

Sa feuille de route prévoit la suspension du CGN, la plus haute autorité politique et législative, de plus en plus contesté dans un pays miné par l'anarchie et les violences depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.

Le CGN, issu du premier scrutin libre du pays en juillet 2012, est notamment décrié pour avoir unilatéralement rallongé son mandat jusqu'en décembre 2014.

Pour tenter de calmer la situation, la Commission électorale a fixé au 25 juin la date de l'élection d'un nouveau Parlement pour remplacer le CGN, mais on ignore dans quelle mesure ce scrutin pourra se tenir.

En attendant, Khalifa Haftar engrange les soutiens. Le dernier en date n'est autre que le ministre de la Culture, Habib Lamine.

«Je soutiens cette opération contre les groupes terroristes. Le CGN, qui protège les terroristes, ne me représente plus», a déclaré mercredi soir à l'AFP le ministre de la Culture, affirmant toutefois qu'il gardait son poste jusqu'à sa «démission ou limogeage».

Divisions autour du Congrès

Accusé par le gouvernement de vouloir fomenter un coup d'État, M. Haftar assure ne pas vouloir prendre le pouvoir, mais exige la dissolution du CGN dominé par des blocs islamistes, dont certains membres sont accusés de complicité avec des groupes radicaux.

«Le Conseil supérieur des forces armées», autodéclaré, demande au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), la plus haute autorité juridique de Libye, «de former un Conseil supérieur présidentiel, civil, qui aura pour mission de former un gouvernement d'urgence et préparer des élections législatives», a indiqué M. Haftar lors de sa conférence de presse mercredi.

Le Conseil présidentiel remettra ensuite le pouvoir au Parlement élu, a-t-il ajouté depuis la ville d'Al-Abyar (est).

Selon M. Haftar, «l'armée» a pris ces décisions après le refus du CGN de suspendre ses travaux «comme le réclame la population».

Le gouvernement libyen avait proposé lundi, pour sortir le pays de la crise, la mise en congé du CGN, qui n'a même pas, a-t-il déploré, «pris la peine de répondre à l'initiative».

Le gouvernement lui-même ne jouit par ailleurs pas d'une légitimité totale, le premier ministre désigné Ahmed Miitig, élu à l'issue d'un vote chaotique et controversé début mai n'ayant toujours pas la confiance du Congrès. Le cabinet du premier ministre sortant Abdallah Al-Theni gère pour l'heure les affaires courantes.

Sur le terrain cependant, l'ambiance était au calme jeudi à Tripoli, malgré la tension palpable entre opposants et partisans à l'opération de M. Haftar, baptisée «Dignité».

L'opération est accueillie avec beaucoup de méfiance y compris parmi les anti-islamistes, qui doutent de ses motivations réelles.

«Oui nous appuyons cette opération. Mais leurs initiateurs doivent nous donner un objectif bien déterminé. La lutte contre le terrorisme ne doit pas être un moyen pour se débarrasser de ses rivaux politiques», a ainsi estimé Fawzi Abdelali, ambassadeur et ancien ministre de l'Intérieur.