Plusieurs puissants groupes armés libyens ont donné mardi au Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique du pays, quelques heures pour quitter le pouvoir, menaçant d'arrêter tout député récalcitrant.

Le Congrès a aussitôt dénoncé cette initiative comme une menace de «coup d'État»

En fin d'après-midi, aucun mouvement de troupes n'a cependant été observé dans la capitale.

«Nous donnons au Congrès, dont le mandat a expiré, cinq heures pour remettre le pouvoir», soit jusqu'à 21h30 (14h30, heure de Montréal), ont déclaré des chefs ex-rebelles, en particulier de puissantes brigades d'Al-Qaaqaa et Al-Sawaek qui font officieusement partie de l'armée libyenne.

«Le membre du Congrès qui reste (dans son poste) sera (...) une cible légitime et sera arrêté puis jugé», ont-ils insisté dans leur communiqué lu à la télévision.

Selon le texte, les brigades considèrent que les Frères musulmans et «les groupes idéologiques et extrémistes sont à l'origine des problèmes dans le pays», en proie à l'anarchie.

Le CGN a vigoureusement dénoncé le contenu de ce communiqué en estimant qu'il s'agissait d'un «coup d'État contre les institutions légitimes du pays», selon les propos de son président, Nouri Abusahmein, devant les députés.

«Le Congrès a donné les instructions nécessaires pour prendre des mesures contre les auteurs de ce communiqué», a ajouté M. Abusahemein.

«Nous avons reçu les assurances de l'Armée et des thowars (ex-rebelles) qui ont promis de défendre le Congrès», a-t-il ajouté.

Le CGN fait face depuis fin janvier à un mouvement de contestation en raison de sa décision controversée de prolonger son mandat, qui devait initialement s'achever le 7 février.

Après la chute du régime de Mouammar Kadhafi en octobre 2011, et avec lui du système sécuritaire de l'État, les nouvelles autorités ont chargé les ex-rebelles d'assurer la sécurité du pays, mais ont vite perdu le contrôle sur ces milices.

Plusieurs milices d'entre elles ont intégré les ministères de la Défense et de l'Intérieur, mais elles manquent de discipline et obéissent en premier lieu à leurs chefs et à leur ville ou tribu.

Certaines d'entre elles occupent toujours des sites publics et privés à Tripoli, comme l'aéroport contrôlé par les ex-rebelles de Zenten.

La brigade zentanie des Sawaek est parmi les mieux armées, les plus disciplinées et les plus implantées à Tripoli. Même chose pour al-Qaaqaa, qui forme l'Organe des gardes-frontières.

Ces brigades avaient puisé dans l'arsenal hérité du régime Kadhafi, mais ont aussi reçu des armes des autorités de transition.

Les brigades zentanies sont accusées par leurs rivales islamistes d'être le bras armé de l'Alliance des forces nationales (AFN, libérale), première force au Congrès et opposée à la prolongation du mandat.

L'AFN a cependant indiqué mardi sur sa page Facebook qu'elle ne disposait d'aucun bras militaire.

Vendredi, l'ex-général à la retraite Khalifa Haftar, un ancien commandant de la rébellion, avait déjà appelé à la suspension du Parlement et du gouvernement.

Des rumeurs propagées sur les réseaux sociaux avaient alors fait état d'un possible coup d'État. Mais aucun mouvement suspect n'a été constaté et le premier ministre Ali Zeidan a qualifié les rumeurs de «ridicules».

Aucun lien n'a cependant été établi jusqu'à présent entre les déclarations de M. Hafter, originaire de Benghazi (est) et celles des Zentanis.