Les Libyens ont célébré lundi le troisième anniversaire du début de leur révolution qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi en 2011, malgré un climat d'incertitude marqué par une profonde crise politique et une insécurité persistante.

Le premier ministre Ali Zeidan a appelé les Libyens à faire preuve de volonté pour faire face aux difficultés politiques et économiques qui paralysent le pays.

Les suites de la révolte constituent un «défi» pour les Libyens, a-t-il affirmé. «Il s'agit d'une aventure qui n'est pas simple, semée d'embûches et d'étapes qui nécessitent la volonté de tous pour être surmontées», a-t-il poursuivi.

Aucun programme officiel n'a été prévu pour ce troisième anniversaire. Mais des célébrations spontanées ont eu lieu depuis samedi dans plusieurs villes, notamment à Benghazi (est) où avait eu lieu la première manifestation contre le régime, le 15 février 2011, avant que le mouvement prenne forme de manière plus organisée à partir du 17 février.

Des proches de victimes du massacre de 1996 dans la prison d'Abou Slim à Tripoli avaient été à l'origine de ces protestations pour dénoncer l'arrestation de leur avocat.

Le mouvement, devenu conflit armé, a fait des milliers de morts et de blessés et a abouti à la chute du colonel Kadhafi fin août et à sa mort le 20 octobre.

À Tripoli dont le ciel était illuminé par les feux d'artifice, des centaines de personnes se sont rassemblées sur la place des martyrs en plein centre-ville pour fêter l'événement.

Des centaines de voitures arborant le drapeau national, vert, rouge et noir,  défilaient toujours en début de soirée dans plusieurs quartiers de la capitale décorés par des ampoules multicolores, dans un concert de klaxon.

«Pas de quoi être fiers»

À l'occasion de ce troisième anniversaire, l'ONU, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont félicité les Libyens, affirmant qu'ils étaient prêts à aider le pays à reconstruire ses institutions.

«La Libye a fait des progrès depuis 2011 , mais d'importants défis demeurent et un travail urgent est nécessaire pour réaliser les aspirations de la Révolution», a estimé le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague dans un communiqué publié par l'ambassade britannique à Tripoli.

Toutefois, de nombreux Libyens n'ont pas le coeur à faire la fête.

«Les célébrations seront juste pour le plaisir de faire la fête. Il n'y a pas de quoi être fier en ce qui concerne la situation actuelle du pays», déplore «Tripolitanian» sur son compte Twitter.

«Rien n'a été fait en trois ans. Nous en sommes toujours à faire du surplace», a indiqué à l'AFP Ahmed Fitouri universitaire qui affirme que «le peuple a été spolié de sa révolution par des politiciens qui n'en finissent pas de se quereller».

Plongé dans l'anarchie et le chaos, le pays est en proie à une crise politique sans précédent.

En effet, le Congrès général national (CGN, Parlement) la plus haute autorité politique et législative, fait face depuis fin janvier à un mouvement de contestation en raison de sa décision controversée de prolonger son mandat qui s'achevait initialement le 7 février.

Élu en juillet 2012, le Congrès avait pour mission notamment d'organiser des élections générales après l'adoption d'une Constitution dont la rédaction n'a pas encore commencé.

Élections anticipées

Sous la pression de la rue, le Congrès a annoncé dimanche un accord entre ses blocs politiques pour des élections anticipées, en vue de désigner de nouvelles autorités de transition en attendant la Constitution.

Aucun consensus n'a été trouvé toutefois sur le nouveau système politique à adopter pour la prochaine étape de transition.

Des élus se sont déclarés en faveur de l'élection d'un président et d'un Parlement, d'autres préconisent tout simplement d'élire à nouveau les 200 membres du Congrès.

Par ailleurs, le sort du premier ministre Ali Zeidan qui a échappé fin janvier à une motion de censure au CGN est toujours incertain. Des blocs parlementaires sont en train de s'accorder sur une personnalité consensuelle pour le remplacer, selon des sources au Congrès.

Pour l'analyste politique Soufiène al-Machri «la Libye court à sa perte. Les armes circulent partout et l'insécurité règne».

Selon lui, «le pays se trouve dans l'impasse, car les nouveaux dirigeants privilégient leurs propres intérêts au détriment de ceux de la nation en s'accrochant au pouvoir».