Le Premier ministre libyen a annoncé un remaniement imminent du gouvernement pour sortir d'une crise politique sans précédent sur fond de violences qui ont suscité la colère de la population, près de deux ans après la chute de Mouammar Kadhafi.

Le Premier ministre Ali Zeidan a annoncé lundi qu'il allait proposer mardi ou mercredi un nouveau cabinet au Congrès général national (CGN), plus haute autorité politique et législative du pays, au lendemain de deux nouvelles explosions ayant fait 43 blessés près du tribunal de Benghazi.

M. Zeidan n'a pas précisé de noms ni les porte-feuilles concernés par le remaniement. Il a toutefois affirmé qu'une «personnalité» a été choisie pour le ministère de la Défense, un poste vacant depuis la démission fin juin de Mohamed al-Barghathi.

Le CGN a annoncé par ailleurs la nomination d'un nouveau chef d'état-major en remplacement du général Youssef al-Mangouch qui avait démissionné début juin.

Le colonel-major Abdessalem Jadallah al-Salihine, 53 ans, est originaire de Benghazi. Il a été officier des forces spéciales de l'armée de Mouammar Kadhafi avant de rejoindre la rébellion en 2011.

Les autorités de transition peinent depuis la chute de l'ancien régime à  rétablir l'ordre et à former une police et une armée professionnelles alors que les assassinats politiques et les violences se multiplient surtout dans l'est de la Libye.

M. Zeidan a ainsi annoncé la réactivation des services de renseignement intérieur. Il a également annoncé que Tripoli a eu recours à des équipes d'enquêteurs britanniques et d'Interpol pour l'aider à identifier les responsables des attaques.

Des milliers de manifestants étaient descendus dans la rue ce week-end pour crier leur colère contre les autorités de transition et les partis politiques, au lendemain d'une série d'assassinats, ayant visé notamment un militant anti-islamiste, Abdessalem al-Mesmari.

Ces manifestations ont été émaillées par des actes de vandalisme contre les locaux des partis politiques, en particulier le Parti pour la justice et la construction (PJC), bras politique des Frères musulmans libyens.

Lundi, un local du parti Al-Watan de l'ancien jihadiste et ex-chef militaire de Tripoli, Abdelhakim Belhaj, a été saccagé par des inconnus et une partie du bâtiment, situé dans un quartier résidentiel à Tripoli, a été incendiée, selon un responsable du parti.

Le porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Mme Catherine Ashton, a «fermement condamné» lundi l'assassinat de M. Mesmari ainsi que l'escalade de la violence à Benghazi.

«Les responsables de la violence contre le peuple libyen (...) doivent être traduits en justice pour répondre de leurs crimes», a ajouté le porte-parole.

Pour beaucoup de Libyens, les rivalités politiques empêchent la stabilisation du pays, où pullulent les armes. Les partis politiques sont accusés de manipuler des milices armées, empêchant la formation d'une armée et d'une police professionnelles.

L'insécurité à Benghazi risque de s'aggraver après l'évasion samedi de plus de 1200 détenus d'une prison de cette ville, berceau de la révolte contre Kadhafi.

Les attaques dans l'Est libyen ont ciblé des juges, des militaires et des policiers ayant servi sous le régime déchu. Des intérêts et diplomates occidentaux ont été également visés, sans que les coupables ne soient arrêtés.

Lundi encore, un colonel de la Marine libyenne a été blessé dans l'explosion de sa voiture à Benghazi, a indiqué à l'AFP un porte-parole des services de sécurité, faisant état d'une «tentative d'assassinat». «L'explosion est due à un engin explosif collé à la voiture», a-t-il indiqué.

Dans la soirée un membre des services de sécurité a été blessé dans l'explosion de sa voiture, dans une tentative d'assassinat, a indiqué à l'AFP un responsable des services de sécurité et des témoins.

Relativement épargnée par la vague des violences, Syrte (centre), dernier bastion du régime de Kadhafi à tomber aux mains de la rébellion en 2011, a été le théâtre lundi de violents affrontements entre une brigade de l'armée libyenne et un groupe armé, faisant deux morts et quatre blessés, a indiqué l'agence officielle libyenne Lana.

«La partie qui a le plus grand intérêt à voir le pays sombrer dans la violence et l'instabilité est sans doute (..) l'ancien régime», estime le commentateur Mohamed Belkheir, affirmant que «les collaborateurs de l'ancien régime ont l'argent et sont bien incrustés dans les rouages de l'administration et de l'État».