La Libye connaît une nouvelle flambée de violences meurtrières entre milices armées, qui ont précipité le départ du ministre de la Défense, Mohamed al-Barghathi, illustrant l'échec des autorités à rétablir son autorité sur un terrain miné.

Jeudi, la tension était vive à Tripoli, au lendemain de violents affrontements ayant opposé deux groupes armés dans le quartier d'Abou Slim près du centre de la capitale.

Selon un nouveau bilan du ministère de la Santé, cinq personnes ont été tuées et 97 autres blessées dans ces violences.

Au même moment, dans le sud du pays, trois voitures piégées ont explosé mercredi soir à une demi-heure d'intervalle à Sebha (700 km au sud de Tripoli), faisant 2 morts et 17 blessés, de source officielle.

À Benghazi, bastion de la révolution de 2011, un officier de l'armée a été tué mercredi par l'explosion d'une bombe placée dans son véhicule, dernier épisode d'une série d'assassinats et d'attaques contre les forces de sécurité dans cette ville de l'est libyen.

Benghazi a connu en juin des combats meurtriers dans le cadre d'une lutte d'influence entre milices et forces de sécurité.

La bataille semble désormais s'être déplacée dans la capitale où sont installées des milices aux idéologies et motivations diverses.

Mardi, un groupe armé originaire de Zenten avait attaqué le siège de La Garde des installations pétrolières à Tripoli, après avoir dû abandonner la surveillance d'un champ de pétrole dans le sud du pays au profit d'une brigade d'une tribu locale.

D'autres brigades d'ex-rebelles de la Haute commission de sécurité, dépendant du ministère de l'Intérieur, s'étaient alors opposées par la force aux assaillants, arrêtant certains d'entre eux. Les combats ont fait au moins cinq morts, selon des sources officielles.

En représailles mercredi, les Zentanis, militairement très bien équipés, ont chassé ces brigades, pro-islamistes, de leur QG dans le quartier populaire d'Abou Slim à Tripoli, saccageant les lieux et libérant les prisonniers, selon des témoins.

«Mesures draconiennes»

Officiellement, les assaillants dépendent du ministère de la Défense. Mais dans la soirée, le Chef d'état-major par intérim Salem al-Konidi a indiqué que «les forces qui n'obéissent pas aux ordres ne nous appartiennent pas».

«Nous avons essayé d'intervenir, mais nos moyens ne le permettent pas», a déclaré le général al-Konidi sur la chaîne Libya al-Ahrar.

Jeudi, le premier ministre Ali Zeidan a déploré des «événements douloureux» et «horribles».

Il a affirmé que son cabinet ainsi que le Congrès général national (CGN, Parlement) avaient «souligné la nécessité de prendre des mesures draconiennes et décisives pour désarmer la population civile».

Il a annoncé par ailleurs que le ministre de la Défense, Mohamed al-Barghathi, serait remplacé à la demande du CGN, plus haute autorité politique du pays.

«Les membres du Congrès ont demandé au ministre de la Défense de démissionner ou de quitter ses fonctions. Le ministre avait déjà démissionné, mais nous lui avons demandé de continuer dans ses fonctions en raison des circonstances» dans le pays, a déclaré M. Zeidan dans un discours.

Mais après la décision du CGN, «le ministre de la Défense sera remercié et nous allons nommer un nouveau ministre», a-t-il dit.

M. Barghathi, avait annoncé sa démission le 7 mai avant d'y renoncer quelques heures plus tard à la demande du premier ministre, selon le gouvernement.

Le premier ministre a ajouté qu'un nouveau chef d'État-major serait proposé au CGN en remplacement de Youssef al-Mangouch, qui avait démissionné le 9 juin après des violences meurtrières à Benghazi.

M. Zeidan a souligné la «volonté» de son gouvernement d'évacuer de Tripoli les milices et les brigades d'ex-rebelles ne faisant pas partie des forces régulières.

Cette décision avait été prise par le CGN après des affrontements meurtriers entre milices à Benghazi, il y trois semaines.

Les autorités, qui peinent à mettre sur pied une armée et une police professionnelles, font régulièrement appel à d'ex-rebelles pour maintenir l'ordre et la sécurité, mais n'arrivent pas à les contrôler.

Ainsi, ces «révolutionnaires», qui étaient des héros en 2011, sont devenus la source de tous les maux du pays et n'hésitent pas à recourir aux armes pour défendre leur existence ou leurs intérêts.