Plus de deux mois après la formation d'un gouvernement en Libye, le pays est toujours sans Constitution, en l'absence de consensus sur le mode de désignation de la commission chargée de la rédiger.

Le Congrès général national (CGN), élu en juillet, n'a pas encore réussi à décider si ses membres seront élus par le peuple ou désignés par cette assemblée, dont les députés sont divisés sur ce sujet.

Le président du CGN, Mohamed Megaryef, a donc décidé de mener une large consultation avant de trancher, mais ce nouveau délai a suscité le mécontentement d'une partie des élus.

Dimanche, les députés de la principale coalition libérale ont décidé de boycotter les séances de l'Assemblée nationale pour protester contre le retard pris dans la formation de la commission constituante.

La coalition, qui réclame une commission constituante élue, dispose de 39 des 80 sièges réservés aux partis politiques au sein de l'assemblée de 200 membres.

Selon Claudia Gazzini, analyste de l'International Crisis Group pour la Libye, «il est préférable de prendre les choses calmement et de consulter les gens plutôt que de précipiter le processus et de s'aliéner l'opinion publique».

Mais Hassan Lamine, un député indépendant de Misrata, a dénoncé un retard inutile, soulignant que l'Assemblée devrait s'atteler au plus tôt à la rédaction de la Constitution.

«L'Assemblée nationale adopte des lois (...) et elle néglige sa priorité (la Constitution). Il n'y a aucune excuse pour ce retard», a-t-il estimé.

«En retardant la (rédaction d'une) Constitution, on prolonge l'incertitude. On a une législation provisoire qui affecte tout : l'économie, les investissements, et la justice», estime, sous couvert de l'anonymat, un observateur international des élections basé à Tripoli.

Le CGN a été élu avec pour mandat de nommer un nouveau gouvernement et d'offrir une Constitution au pays qui en était dépourvu pendant les 42 ans de règne sans partage de Mouammar Kadhafi, mort en octobre 2011 après une révolte contre son régime qui avait débuté le 17 février.

Le gouvernement, approuvé fin octobre, a un mandat de douze mois et doit organiser de nouvelles élections d'ici là sur la base de la Constitution attendue.

Le texte constitutionnel devra aborder des questions clés allant du système de gouvernement, à la langue officielle du pays en passant par le statut des femmes et des minorités et le rôle de la loi islamique (charia).

En principe, la commission chargée de la rédaction du nouveau texte doit être composée de 60 membres représentant à égalité les trois régions historiques de la Libye - la Cyrénaïque (est), le Fezzan (sud) et la Tripolitaine (ouest).

Après la décision de consulter le public prise en décembre par le président du CGN, cette assemblée a créé un comité spécial chargé de se rendre dans les différentes régions pour prendre le pouls de l'opinion publique, a déclaré à l'AFP un membre de ce comité.

Dans un pays où l'islam conservateur est profondément enraciné, «il y a un large consensus sur le fait que la nouvelle Constitution devrait s'inspirer fortement de la charia, mais aussi sur la nécessité d'éviter l'extrémisme», selon le groupe National Democratic Institute, basé à Washington.