Le premier ministre libyen élu Moustapha Abou Chagour a été démis d'office de ses fonctions dimanche après le rejet par l'Assemblée nationale d'un nouveau cabinet, trois jours après le refus en bloc de sa première proposition durement critiquée par les députés.

Cent vingt-cinq membres de l'Assemblée ont refusé d'accorder leur confiance au «gouvernement de crise» proposé, contre 44 voix favorables et 17 abstentions, selon des images retransmises en direct par la télévision libyenne.

Selon le règlement intérieur de l'Assemblée, celle-ci doit élire ou désigner un nouveau chef de gouvernement après deux rejets de propositions de gouvernement successifs.

Dimanche soir, les membres du Congrès général national (CGN) discutaient de la procédure à suivre pour choisir un nouveau chef du gouvernement.

En attendant, ils ont annoncé leur intention de renouveler leur confiance dans le gouvernement de transition sortant d'Abdelrahim al-Kib.

Selon le règlement intérieur du CGN, M. Abou Chagour a tenté dimanche sa dernière chance, après le rejet jeudi d'une première proposition.

Quelques minutes avant le vote, il a proposé un «gouvernement de crise» restreint à dix ministères, affirmant avoir privilégié la compétence à d'autres considérations géographiques ou politiques.

«Face aux dangers qui menacent le pays, je vous présente un gouvernement de crise, restreint à dix ministères, rejetant toute considération géographique», a déclaré M. Abou Chagour devant les 186 membres présents (sur 200) du CGN.

M. Abou Chagour a critiqué dans la foulée les membres du congrès et les blocs politiques représentés au sein de l'Assemblée qui avaient rejeté jeudi une première proposition du premier ministre.

«Le premier gouvernement n'était pas parfait. Et nous aurions pu le discuter et le remanier (...), mais les demandes des membres du congrès étaient irréalistes: quelques-uns exigeaient un portefeuille bien précis pour leur région, l'un des blocs politiques a demandé onze portefeuilles et un autre en a exigé neuf».

«Je n'abandonnerai pas mes principes»

«Je n'abandonnerai pas mes principes et mes convictions», a-t-il encore dit, faisant état de «chantage» de la part de membres de congrès ou de blocs politiques.

«Les partis politiques ont décidé de me retirer la confiance», avait-il ajouté en présentant son gouvernement, en allusion à des rumeurs sur un accord entre les deux principaux partis représentés au CGN, les deux rivaux: l'Alliance des forces nationales (premier bloc parlementaire) de Mahmoud Jibril, qui a refusé de participer au gouvernement après l'échec des négociations, et le Parti de la justice et de la construction issu des Frères musulmans.

Les deux partis seraient d'accord pour former un gouvernement d'union, avec à sa tête une personnalité indépendante.

Jeudi, le Congrès général national (CGN), la plus haute institution politique du pays, avait rejeté une première proposition de M. Abou Chagour, sans prendre la peine de voter les ministres un par un, comme prévu par le règlement intérieur.

Plusieurs membres du CGN avaient même appelé à retirer la confiance au premier ministre sans lui donner une deuxième chance comme le stipule la déclaration constitutionnelle qui régit la période transitoire depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en octobre 2011.

Le premier ministre était confronté à la difficile tâche de former un gouvernement représentatif des régions et des diverses tendances, dans un pays qui fait face à de grands défis de sécurité et dont le nouveau pouvoir n'arrive pas à asseoir son autorité devant la multiplication des milices armées.

Jeudi soir, plus de cent manifestants ont pénétré au siège du CGN, en plein débat sur le gouvernement, pour dénoncer l'absence d'un représentant de leur ville -Zaouia (bien Zaouia, ouest)- dans la première liste de l'équipe gouvernementale et pour réclamer le départ de M. Abou Chagour, un technocrate de 61 ans.

Les habitants de l'Est et du Sud se plaignent d'avoir été suffisamment marginalisés durant les 42 ans de règne du colonel Kadhafi, alors que des groupes rebelles se sont soulevés dans l'ensemble des régions durant les huit mois de révolution.

Élu premier ministre par le CGN le 12 septembre avec deux voix d'avance sur le chef de l'alliance des libéraux Mahmoud Jibril, M. Abou Chagour avait alors promis un gouvernement de consensus et dit avoir négocié avec toutes les parties et fait appel à des personnes «hautement qualifiées».

Un gouvernement d'union nécessiterait le soutien de l'Alliance des forces nationales (premier bloc parlementaire) de M. Jibril, qui a refusé de participer au gouvernement après l'échec des négociations, ainsi que celui du Parti de la justice et de la construction issu des Frères musulmans.

Selon le plan de transition, le nouveau gouvernement aura un mandat d'un an jusqu'à la tenue de nouvelles élections sur la base d'une nouvelle Constitution dont la rédaction se fait attendre.