Des combattants pro-Kadhafi de Tawarga ont-ils perpétré une campagne de viols contre les femmes de la ville assiégée de Misrata?

Bon nombre d'habitants de Misrata en sont convaincus. Pour eux, la ville entière de Tawarga était complice de ces crimes - d'où la punition collective infligée à ses 30 000 habitants en exil.

Mais après des mois d'enquête sur le terrain, la Commission d'enquête internationale sur la Libye des Nations unies n'a recueilli aucune preuve de ces viols, souligne son président, Philippe Kirsch.

Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas eu lieu. «Comme les hommes considèrent qu'il s'agit de leur honneur, les femmes sont très prudentes. Elles hésitent à témoigner, sachant fort bien que cela pourrait se retourner contre elles», explique le juriste québécois.

Punition collective

Mustafa Abushagur, vice-premier ministre du gouvernement intérimaire, ne doute pas que des femmes aient été violées à Misrata. Mais il convient de la difficulté de documenter ces viols. «Notre société est très conservatrice. Malheureusement, certaines femmes ont été traitées par leur famille comme si elles avaient pris part au crime, alors qu'elles en sont les victimes. Nous aimerions changer cette mentalité, mais cela prend du temps.»

Viols systématiques ou pas, la punition collective est injuste, selon Amnistie internationale. «Quelle que soit l'étendue du soutien pour les forces de Kadhafi à Tawarga pendant le conflit, la population entière de la ville continue à payer le prix des crimes présumés commis par certains membres de leur communauté», constate l'organisme.

«La généralisation est inacceptable, admet M. Abushagur. Les gens de Tawarga ne sont pas tous des criminels. Certains d'entre eux ont commis des crimes haineux. Dans notre culture, les gens peuvent pardonner celui qui a tué, mais pas celui qui a violé. Cela complique les choses.»

Les miliciens de Misrata ont aussi beaucoup d'influence dans la politique de la nouvelle Libye. Le gouvernement n'a rien fait pour empêcher la destruction de Tawarga, pas plus que les arrestations de masse, la torture et les exécutions dans les prisons de ces puissantes milices.

Et les autorités n'ont aucun plan pour reloger les milliers de déplacés qui s'entassent dans des camps depuis huit mois. Chose certaine, les blessures sont encore trop vives pour songer à un retour à Tawarga, dit M. Abushagur. «Le temps fait partie de la solution.»