Le gouvernement intérimaire en Libye n'accordera pas de nouveaux contrats d'exploitation du pétrole et ne prendra probablement pas de décisions économiques majeures d'ici l'élection d'un gouvernement démocratique, a déclaré jeudi le ministre des Finances sortant.

Le premier ministre intérimaire, Abdurrahim El-Keib, a indiqué jeudi qu'il avait besoin d'encore deux semaines pour achever la composition de son gouvernement transitoire. M. El-Keib restera en poste jusqu'au mois de juin, où doivent avoir lieu des élections pour choisir les 200 membres de l'Assemblée nationale, qui désigneront ensuite un nouveau premier ministre.

Le redémarrage de la production pétrolière est une priorité pour les dirigeants intérimaires de la Libye. L'industrie a été presque entièrement paralysée durant les combats qui ont pris fin en octobre, avec l'arrestation et la mort du dictateur Mouammar Kadhafi.

Le ministre sortant des Finances et du Pétrole, Ali Tarhouni, a indiqué que la Libye produisait présentement 570 000 barils par jour, comparativement à 1,6 million de barils par jour avant le début de la guerre. Il a estimé que la production pourrait dépasser les 700 000 barils par jour d'ici la fin de l'année, tout en précisant que les exportations de pétrole vers l'Italie par le biais d'un gazoduc reprendraient dans les prochains jours.

Présentement, le principal défi du gouvernement transitoire est d'établir des services de sécurité fonctionnels, notamment une armée et des gardes frontaliers, a expliqué M. Tarhouni aux journalistes jeudi. Des milices semi-autonomes qui ont combattu le régime Kadhafi sont toujours en contrôle de lieux importants du pays, notamment de l'aéroport international de Tripoli.

«Je ne pense pas que le gouvernement de transition prendra des décisions majeures sur l'économie, a dit M. Tarhouni. Il sera au pouvoir pendant huit mois, et la plupart des grands projets d'infrastructures seront probablement reportés jusqu'à ce que nous ayons une Constitution et un gouvernement élu. Je ne m'attends pas, par exemple, à ce que le gouvernement transitoire accorde de nouvelles concessions pétrolières.»

Le futur gouvernement élu tentera probablement de diversifier l'économie libyenne et de renforcer le secteur privé, a estimé M. Tarhouni. Le régime Kadhafi reposait presque entièrement sur les revenus pétroliers, tandis que le secteur privé était paralysé par les restrictions et la corruption.

Selon M. Tarhouni, le tourisme et les services financiers pourraient devenir d'importantes sources de revenu pour le pays dans l'avenir.

«Je crois que ce sera l'un des changement stratégiques majeurs pour l'économie libyenne», a-t-il dit au sujet de la diminution de la dépendance au pétrole. «Avec un peu de chance, le gouvernement élu se penchera sérieusement sur cette question.»

Selon lui, le gouvernement transitoire n'est pas pressé d'obtenir les milliards de dollars d'avoir libyens gelés dans les banques étrangères dans le cadre des sanctions internationales imposées au régime Kadhafi.

Surveiller de telles sommes d'argent serait difficile dans la situation actuelle, a expliqué M. Tarhouni. Le gouvernement intérimaire tente pour l'instant de déterminer combien d'argent il lui faudra pour accomplir certaines tâches, notamment celle de mettre sur pied des forces de sécurité.

M. Tarhouni a accusé les proches du clan Kadhafi qui se sont enfuis dans les pays voisins, notamment en Algérie, d'être partis avec des fonds publics d'un montant «considérable», sans toutefois donner d'estimation.

Les Kadhafi se sont servi de la Libye comme d'une banque privée, a-t-il dit, citant en exemple l'entreprise nationale de production du pétrole (National Oil Corp., NOC).

La NOC possédait huit comptes bancaires connus, en plus de 20 comptes secrets découverts depuis la chute du régime. «Ils vendaient du pétrole en argent comptant dont personne n'a gardé la trace, a-t-il dit. Cela dépasse l'entendement.»