Alors que les Libyens faisaient la file pour une quatrième journée afin d'observer la dépouille de Mouammar Kadhafi, le président du Conseil national de transition (CNT) a promis lundi d'ouvrir une enquête sur la mort de ce dictateur de longue date.

Mustafa Abdul-Jalil a fait cette annonce après avoir été pressé, par la communauté internationale, de faire la lumière sur le déroulement des événements.

Jeudi dernier, Mouammar Kadhafi aurait été capturé vivant et abattu peu de temps après, mais les circonstances de sa mort font l'objet de versions contradictoires.

Le CNT a formé une commission d'enquête, a souligné M. Abdul-Jalil lors d'une conférence de presse à Benghazi, dans l'est du pays.

Dans un premier temps, des responsables du gouvernement avaient estimé d'après leurs premières observations que Kadhafi avait été tué lors d'un échange de tirs entre ses fidèles et les forces révolutionnaires, lors de la bataille de Syrte.

Mais M. Abdul-Jalil a évoqué lundi une nouvelle possibilité, selon laquelle l'ancien homme fort de Tripoli aurait été abattu par l'un de ses proches pour l'empêcher de les impliquer dans les atrocités commises par le régime.

«Nous devons nous interroger sur qui aurait eu intérêt à ce que Kadhafi ne soit pas jugé. Les Libyens veulent le juger pour ce qu'il leur a fait, les exécutions, les emprisonnements, la corruption, a énuméré le président du CNT. Les Libyens libres voulaient garder Kadhafi en prison et l'humilier aussi longtemps que possible».

«Ceux qui ont voulu le tuer étaient ceux qui lui étaient fidèles ou qui ont joué un rôle sous ses ordres; sa mort est à leur avantage», a lancé M. Abdul-Jalil.

Les États-Unis, le Royaume-Uni et des groupes internationaux de défense des droits de la personne ont appelé à l'ouverture d'une enquête afin de déterminer si les anciens rebelles libyens ont tué un Kadhafi déjà blessé, après l'avoir extirpé d'un tuyau d'évacuation de Syrte. La ville natale de Kadhafi a été la dernière à tomber aux mains des ex-rebelles, après huit mois de guerre civile.

Certains ont aussi critiqué l'exposition du corps de l'ancien «Guide» - flanqué de ceux de son fils Muatassim abattu par balles et de son ancien chef de la défense Abu Bakr Younis - dans une pièce réfrigérée, quatre jours après sa mort, tel un trophée. Cette exhibition a suscité des questionnements quant à l'adhérence des nouveaux dirigeants de la Libye à la primauté du droit.

Plusieurs dizaines de personnes s'entassaient dans la salle lundi, dont une femme avec cinq enfants. Le cadavre de Kadhafi avait été enveloppé dans un drap blanc taché de sang et recouvert d'une couverture brune, fixée autour de son corps avec une ficelle. Sa tête était tournée afin de ne pas laisser apparaître la blessure mortelle à la tête, bien qu'une de sang séchée était visible sur son front.

Des gardiens armés poussaient les gens à l'extérieur de la salle, leur laissant environ 30 secondes pour voir les dépouilles. Misrata a été assiégée par les forces fidèles à Kadhafi pendant plusieurs semaines au printemps, et ses résidants ont soif de vengeance après avoir été la cible de lourds bombardements.

Un porte-parole du conseil militaire de Misrata a fait savoir que les corps devraient être enterrés mardi.

«Nous sommes certains à 90 pour cent que Kadhafi sera enterré mardi sans épitaphe et dans un lieu tenu secret», a expliqué Ibrahim Beit al-Mal à l'Associated Press, ajoutant que les forces révolutionnaires voulaient éviter que son tombeau ne devienne un sanctuaire.

Le soulèvement populaire en Libye a été lancé en février, alors que des manifestations anti-régime se propageaient dans divers pays du Moyen-Orient. La lutte en Libye a toutefois été la plus sanglante à être menée dans la région, jusqu'à présent.

Les protestations massives se sont muées en une guerre civile qui a entraîné la mort de milliers de personnes et paralysé le pays en entier. Les forces fidèles à Kadhafi ont résisté encore deux mois après que la capitale, Tripoli, ne soit tombée aux mains des ex-rebelles, en août.