Les Libyens attendaient vendredi la proclamation de la «libération» totale du pays, au lendemain de l'annonce de la mort de l'ex-«Guide» Mouammar Kadhafi et de la chute de Syrte, son dernier bastion, mettant un point final à 42 ans de règne sans partage.

Les pays membres de l'OTAN devaient se réunir dans l'après-midi pour discuter des modalités de l'arrêt de l'opération militaire menée en Libye depuis la fin mars, sous mandat de l'ONU, pour protéger la population civile de la répression sanglante d'un soulèvement contre le régime de Mouammar Kadhafi.

«Pour l'OTAN, l'événement militaire essentiel pris en compte est la chute de Syrte, et non la mort de Kadhafi qui n'a jamais été un objectif de la mission», a souligné un diplomate.

L'ex-leader, 69 ans, en fuite depuis la chute de Tripoli fin août, a été capturé vivant jeudi dans sa région d'origine, près de la ville de Syrte (360 km à l'est de Tripoli) et a été tué par balle peu après, dans des circonstances encore floues.

Mouammar Kadhafi est le premier dirigeant arabe à avoir été tué depuis le début du «Printemps arabe».

«C'est un moment historique, c'est la fin de la tyrannie et de la dictature. Kadhafi a rencontré son destin», a indiqué le porte-parole officiel du Conseil national de transition (CNT) à Benghazi (est), Abdel Hafez Ghoga.

Le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a réclamé vendredi une enquête sur les zones d'ombre entourant le décès de l'ancien «Guide».

Des images le montrent, blessé mais vivant, traîné ensanglanté vers un véhicule par la foule surexcitée. Il disparaît ensuite de l'écran sur fond de bruits de tirs.

D'après des sources concordantes, Mouammar Kadhafi était en train de fuir Syrte à bord d'un convoi de véhicules qui a été la cible d'une frappe de l'OTAN.

Selon le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, l'aviation française a «stoppé» le convoi. Des combattants libyens sont ensuite intervenus, détruisant les véhicules desquels «ils ont sorti le colonel Kadhafi».

Mohamed Leith, un commandant de Misrata basé à l'ouest de Syrte, a affirmé pour sa part que le dictateur déchu a succombé des suites de blessures infligées pendant son arrestation.

«Kadhafi se trouvait dans une Jeep sur laquelle les rebelles ont ouvert le feu. Il en est sorti et a tenté de fuir. Il s'est réfugié dans un égout. Les rebelles ont ouvert le feu de nouveau et il en est sorti portant une kalachnikov d'une main et un pistolet de l'autre», explique-t-il.

«Il a regardé à gauche et à droite, demandant «qu'est-ce qui se passe». Les rebelles ont ouvert le feu de nouveau, le blessant à l'épaule et à la jambe et il a succombé ensuite».

De son côté, le chef de l'exécutif du CNT, Mahmoud Jibril, assure que l'ex-dictateur a été tué d'une balle dans la tête après avoir été «pris dans un échange de tirs entre des combattants pro-Kadhafi et des révolutionnaires» et qu'«il était vivant jusqu'à son arrivée à l'hôpital» de Misrata.

«Aucune instruction n'a été donnée pour tuer Kadhafi, et nous ne pensons pas que nos révolutionnaires l'aient tué intentionnellement», a indiqué par ailleurs jeudi un haut responsable du CNT. «Je démens que nous ayons donné l'ordre de tuer Kadhafi», a-t-il ajouté.

Mais quelles qu'en soient les circonstances exactes, l'annonce de la mort du leader honni a provoqué la liesse dans tout le pays.

De Tripoli à Benghazi (est), où est née la révolte à la mi-février, les tirs de joie d'armes légères et lourdes vers le ciel se sont poursuivis jusque tard dans la nuit.

La communauté internationale a salué la mort de Kadhafi, espérant la fin prochaine de l'intervention de l'OTAN et appelant les Libyens à la réconciliation.

Le président français Nicolas Sarkozy, dont le pays a été avec la Grande-Bretagne le fer de lance de l'intervention en Libye, a appelé le peuple libyen au «pardon», à la «réconciliation» et à «l'unité».

«On ne doit jamais se réjouir de la mort d'un homme quoiqu'il ait fait», a ajouté le chef de l'État français, pour qui «l'opération» engagée par l'OTAN en Libye «arrive à son terme».

Le président américain Barack Obama a estimé pour sa part que la disparition de l'ex-dictateur marquait «la fin d'un chapitre long et douloureux» pour les Libyens, et appelé les nouvelles autorités de Tripoli à bâtir un pays «démocratique» et «tolérant».

Le CNT a annoncé que la proclamation de la libération totale de la Libye serait faite vendredi ou samedi, mettant ainsi fin à un conflit qui a duré huit mois et coûté la vie à au moins 30 000 personnes.

Reconnu par l'ONU et par plus d'une soixantaine de pays comme représentant légitime du peuple libyen, le CNT avait rendu publique début septembre une «déclaration constitutionnelle», feuille de route vers une nouvelle «Libye libre».

Ce document prévoit la mise en place d'un gouvernement de transition dans un délai d'un mois maximum après la proclamation de la libération, gouvernement qui aura notamment la lourde charge d'organiser en huit mois des élections générales, et doit remettre à l'issue ses pouvoirs à une Assemblée élue.

Par ailleurs, un des fils Kadhafi, Mouatassim, a été retrouvé mort à Syrte, a indiqué Mohamed Leith.

Mahmoud Jibril a également fait état jeudi de la possible présence d'un autre fils Kadhafi, Saïf al-Islam, dans un convoi attaqué à Syrte.

Selon des photographes de l'AFP, les dépouilles de Mouammar et de Mouatassim Kadhafi ont été amenées jeudi soir à Misrata.

La date et le lieu de l'inhumation de l'ex-leader n'avaient pas encore été déterminés vendredi en début d'après-midi, selon le «ministre» de l'Information Mahmoud Chamam.