Les forces du nouveau régime en Libye ont bombardé vendredi à l'artillerie et aux obus le dernier carré des soldats fidèles au dirigeant déchu Mouammar Kadhafi dans leur bastion de Syrte.

À Tripoli, pour la première fois depuis un mois et demi, des partisans de l'ex-leader en fuite ont déclenché des affrontements avec les forces du Conseil national de transition (CNT), l'ex-rébellion, qui ont fait trois morts et une trentaine de blessés, selon le CNT.

Après avoir présenté en début de semaine comme imminente la chute de Syrte, région d'origine de Mouammar Kadhafi à 360 km à l'est de Tripoli, les combattants du nouveau pouvoir peinaient à déloger de leurs dernières redoutes les pro-Kadhafi qui opposent une résistance acharnée.

Le CNT attend la chute de cette ville-symbole pour proclamer la «libération totale» du pays et former un gouvernement chargé de gérer la transition. Mais l'amateurisme de ses combattants les empêchent d'appliquer une tactique ordonnée face à la poignée de loyalistes.

Les hommes du CNT sont désormais regroupés au QG de la police à Syrte, où ils s'étaient repliés jeudi après avoir reculé de deux kilomètres devant la violente riposte des pro-Kadhafi.

Ils ont lancé leur offensive contre les quartiers «Dollar» et «N°2» où sont retranchés leurs adversaires dans le nord-ouest. Une large file de combattants du CNT, certains dans des camions et d'autres à pied, ont quitté le QG de la police en direction de ces secteurs.

«Les tireurs embusqués de Kadhafi sont coincés dans le quartier N°2 et nous les assiégeons», a déclaré un commandant du CNT, Moustapha Al-Abyad.

Des colonnes d'épaisse fumée noire se dégageaient des deux quartiers, bombardés dans l'après-midi de façon continue au mortier et à l'artillerie lourde, selon un journaliste de l'AFP.

Un groupe de combattants a réussi à prendre une école à la limite du quartier «Dollar» d'où ils ont bombardé le secteur, s'attirant une violente riposte des pro-Kadhafi. Les forces du CNT ont alors reculé pour permettre un bombardement aux obus de 130mm.

«Ils nous tirent dessus, ils sont bien positionnés dans les immeubles et ont des snipers», a déclaré un combattant du CNT Ahmed al-Figi. «Nous faisons des progrès mais c'est difficile».

Au moins six personnes ont été tuées et une cinquantaine blessées, selon des sources médicales dans deux hôpitaux de campagne.

«La bataille de Syrte va se terminer très bientôt, mais la guerre en Libye ne s'achèvera qu'avec la capture de Kadhafi», veut croire un combattant du CNT, Abdessalam Farjani.

Les nouvelles autorités recherchaient toujours activement Mouammar Kadhafi et ses fils, Mouatassim et Seif al-Islam, dont des combattants affirment qu'ils se trouvent respectivement à Syrte et Bani Walid, un autre bastion pro-Kadhafi à 170 km au sud-ouest de Tripoli.

Dans la capitale, un combattant pro-CNT et deux pro-Kadhafi ont été tués dans les affrontements qui ont lieu dans le quartier populaire d'Abou Slim, à 10 km au sud du centre de la capitale, connu pour abriter des fidèles de l'ancien régime, a indiqué Abdelrazak Al-Aradi, vice-président du comité sécuritaire de Tripoli.

Selon lui, une cinquantaine d'hommes armés, partisans du dirigeant déchu, étaient «derrière les incidents». Vingt-Sept entre eux, dont quatre «mercenaires africains» ont été arrêtés, a-t-il ajouté.

Des manifestations pro-Kadhafi avaient commencé après la prière du vendredi, à l'appel d'un animateur pro-Kadhafi qui s'était exprimé sur la chaîne Arraï, basée en Syrie et qui défend la cause du régime déchu, ont indiqué des combattants du CNT.

Un porte-parole du CNT, Abdel Rahmane Boussin, a fait état d'affrontements dans d'autres quartiers «autour de la capitale», affirmant s'attendre à une reprise des heurts dans la nuit.

Des habitants ont également fait état d'accrochages, notamment à Al-Hay Al-Islami, dans l'ouest de Tripoli.

Par ailleurs, les forces du CNT assiégeaient toujours l'oasis de Bani Walid.  Selon les commandants, les combats sont suspendus pour préparer la prochaine offensive contre les 1.500 hommes pro-Kadhafi toujours présents dans la ville.

Sur le plan humanitaire, une responsable du Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Mona Rishmawi, a demandé au CNT de régler la situation de plus de 7.000 personnes, dont des travailleurs migrants, détenues dans 67 centres de détention en Libye.

Enfin, le sous-secrétaire d'État américain chargé des Affaires militaires Andrew Shapiro a affirmé qu'une équipe de 14 experts américains se trouvait en Libye pour retrouver les armes du régime déchu -missiles sol-air et roquettes portables- et les sécuriser.