Le régime de Mouammar Kadhafi a ranimé mercredi le front à Misrata en lançant une attaque meurtrière contre cette enclave rebelle de l'ouest de la Libye, dans un nouveau geste de défi à la veille de la réunion du Groupe de contact international à Abou Dhabi.

Réunis à Bruxelles, les pays de l'Otan se sont dits déterminés à aller jusqu'au bout en Libye, et appelé à préparer l'après-Mouammar Kadhafi, une question qui dominera la réunion du Groupe de contact sur la Libye jeudi à laquelle participera la secrétaire d'Etat Hillary Clinton.

La vingtaine de ministres des Affaires étrangères vont discuter de ce «à quoi une Libye post-Kadhafi pourrait ressembler», a déclaré un haut responsable américain. Cela devrait être «un Etat unifié, un Etat démocratique, avec une transition sans heurts».

Dernier épisode de lâchage du leader contesté, le président sénégalais Abdoulaye Wade est attendu jeudi à Benghazi pour la première visite d'un chef d'Etat étranger dans le fief de la rébellion.

Mais malgré les violents raids de l'Otan, les sanctions et l'isolement internationaux, M. Kadhafi ne céde pas: après avoir répété mardi qu'il ne se soumettrait jamais, il a ranimé le front à Misrata où une nouvelle attaque d'envergure a fait 10 morts et 26 blessés parmi les insurgés.

De violents combats ont repris dans la ville (200 km à l'est de Tripoli), a indiqué par téléphone à l'AFP Hassan al-Galai, membre du comité des médias créé par les rebelles dans cette grande ville côtière qui avait été assiégée et pilonnée pendant deux mois par les forces gouvernementales.

Entre 2000 et 3000 soldats pro-Kadhafi ont attaqué par le sud, l'ouest et l'est, utilisant des roquettes Grad ainsi que des chars et de l'artillerie lourde.

Mais les rebelles les ont empêchés d'entrer dans la ville, a assuré M. Galai, tout en regrettant qu'aucun avion de l'Otan ne soit intervenu.

Les attaques sur Misrata avaient cessé le 12 mai, lorsque les rebelles avaient réussi à s'emparer de l'aéroport, mettant la majeure partie de cette ville-clé hors de portée des tirs des forces gouvernementales.

L'Otan persiste cependant à dire que M. Kadhafi est sur le départ, quatre mois après le début du conflit qui a fait des milliers de morts et poussé à la fuite près d'un million de personnes.

«La question n'est pas de savoir s'il (Kadhafi) partira, mais quand», a asséné le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, lors d'une réunion des ministres de la Défense de l'Alliance et des pays engagés dans les opérations en Libye (Emirats arabes unis, Jordanie, Qatar et Suède).

Pour le plus haut gradé américain, l'amiral Michael Mullen la seule question en suspens reste la date de ce départ: «la position des Etats-Unis est que Kadhafi doit partir» mais «il est difficile pour quiconque de fixer un calendrier».

L'Otan a assuré qu'elle mettrait en oeuvre «les moyens nécessaires» pour mener à bien sa mission, y compris dans la durée.

Et pour M. Rasmussen, «le temps est venu de planifier pour le jour où le conflit s'arrêtera. Kadhafi appartient à l'histoire».

Mardi, l'anniversaire de M. Kadhafi, 69 ans dont plus de 40 à la tête du pays, a coïncidé avec les bombardements les plus violents menés par l'Otan sur Tripoli, notamment sur le secteur de sa résidence, depuis le début des opérations internationales le 19 mars.

Le régime a évoqué 31 morts dans les frappes, un bilan non confirmé par l'Otan. Et lors d'une visite organisée par les autorités, un journaliste de l'AFP a constaté qu'après des semaines de bombardements intensifs, il ne restait presque que des gravats et des ruines fumantes dans le vaste complexe résidentiel de M. Kadhafi.

«Mort, vie, victoire, qu'importe. Nous n'allons pas quitter notre pays, nous n'allons pas le vendre, nous nous soumettrons pas», a prévenu M. Kadhafi dans son message audio.

Entretemps, une source proche de la présidence sénégalaise a annoncé la visite de M. Wade à Benghazi (est), où il rencontrera des dirigeants du Conseil national de transition (CNT), organe politique des rebelles.

Le Sénégal a reconnu fin mai le CNT comme seul représentant légitime de la Libye, comme l'ont fait la France, l'Italie, le Royaume-Uni, le Qatar, la Gambie, la Jordanie, Malte. L'Espagne a fait de même mercredi.

Cette visite sera la première d'un chef d'Etat étranger dans le fief de l'opposition. Le coup est d'autant plus dur pour Mouammar Kadhafi qu'il s'agit d'un dirigeant africain, un continent sur lequel il s'est beaucoup appuyé.

Mardi déjà, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, chef de la médiation de l'Union africaine sur la Libye, a mis à mal l'unité affichée par les pays africains en faveur d'une sortie de crise négociée en estimant que le départ de M. Kadhafi était «une nécessité».

Enfin, le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, devait présenter à l'ONU son dossier contre le régime libyen, disant avoir maintenant la preuve de l'existence en Libye «d'enlèvements, de tortures et de disparitions».