Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a subi un revers avec le départ de son ministre des Affaires étrangères Moussa Koussa, mais sur le terrain, ses forces sont parvenues à faire reculer dans l'est des forces rebelles désorganisées.

À 6h jeudi (2h, heure de Montréal), l'OTAN a pris le commandement de toutes les opérations en Libye, succédant à la coalition multinationale, selon un diplomate allié, alors que le New York Times faisait état du déploiement d'agents de la CIA pour prendre contact avec la rébellion et guider les raids aériens.

La chaîne ABC a assuré que le président américain Barack Obama avait donné l'autorisation d'aider secrètement les rebelles. De même source, «des dizaines de membres des forces spéciales britanniques et d'agents du service d'espionnage MI6 travaillent en Libye», en particulier pour recueillir des renseignements sur les positions des forces loyalistes.

La Maison-Blanche a refusé «de s'exprimer sur des questions de renseignements».

Sur le plan politique, le colonel Kadhafi a subi un grave revers avec la démission de son ministre des Affaires étrangères, Moussa Koussa, une des principales figures du régime, annoncée à son arrivée mercredi soir à Londres.

«Sa démission montre que le régime de Mouammar Kadhafi, qui a déjà enregistré des défections significatives, est divisé, sous pression et s'effondre de l'intérieur», a déclaré le chef de la diplomatie britannique, William Hague.

Il a assuré que «Moussa Koussa ne se verra pas offrir d'immunité par la justice britannique ni par la justice internationale». «Il s'entretient actuellement de son plein gré avec des responsables britanniques».

Cette défection est «un coup dur» pour Kadhafi et montre que l'entourage du dirigeant n'a plus confiance en son régime, a estimé un porte-parole de la Maison-Blanche, et pour un porte-parole des rebelles, il «témoigne de la manière dont le régime est en train de s'effriter».

«Kadhafi n'a plus personne» sur qui compter. «Désormais, il ne reste que lui et ses enfants», a déclaré pour sa part l'ancien ministre libyen de l'Immigration, Ali Errishi, qui a lui-même fait défection peu après le début de l'insurrection mi-février.

Moussa Koussa, 59 ans, est connu pour avoir activement participé ces dernières années au retour de la Libye dans le concert des nations fréquentables. Il avait été nommé ministre en mars 2009, après avoir été chef des services de renseignements de 1994 à 2009.

Le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, a confirmé la démission de M. Koussa, affirmant qu'il avait eu la permission de quitter le pays pour des soins médicaux en Tunisie.

Il a souligné que le régime «ne dépendait pas d'individus», assurant que Kadhafi et ses enfants resteraient dans le pays «jusqu'à la fin».

Le colonel Kadhafi a affirmé que les dirigeants occidentaux avaient «décidé de lancer une seconde croisade entre musulmans et chrétiens à travers la Méditerranée».

«Ils ont commencé une chose grave qu'ils ne peuvent contrôler et qui sera hors de leur contrôle quels que soient les moyens de destruction dont ils disposent», a-t-il dit.

Sur le terrain, des affrontements ont lieu en fin de matinée autour du terminal pétrolier de Brega (800 km à l'est de Tripoli), selon des témoignages recueillis par un journaliste de l'AFP. Des avions survolaient la région où plus tôt cinq explosions avaient été entendues, selon des témoins.

Les forces loyalistes ont repris mercredi le port pétrolier de Ras Lanouf, 370 km à l'ouest du fief des rebelles Benghazi, et progressé vers Brega.

Tripoli a été survolé dans la nuit par des appareils de la coalition, avant que des explosions ne soient entendues dans la banlieue de Salaheddine, au sud-est de la capitale, a rapporté un témoin à l'AFP.

Le plus haut gradé américain, l'amiral Mike Mullen, a affirmé que l'armée libyenne n'avait pas encore atteint le point de rupture, même si les frappes avaient mis hors de combat près d'un quart des forces pro-Kadhafi.

Mais le mauvais temps depuis le début de la semaine limite l'efficacité des frappes aériennes contre les forces loyalistes, a expliqué l'amiral Mullen.

L'OTAN a pris jeudi matin le commandement de toutes les opérations, assumées depuis le 19 mars par la coalition menée par les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne.

Selon son secrétaire général Anders Fogh Rasmussen, la mission de l'alliance sera accomplie «quand il n'y aura plus de menaces contre la population civile», mais il est impossible de dire à quel moment cela sera le cas.

Il s'est opposé à l'idée d'armer les rebelles, estimant que l'OTAN intervient militairement «pour protéger le peuple libyen, et non pour armer le peuple».

Pour le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, armer les rebelles libyens pourrait «favoriser le terrorisme».

Le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a quant à lui affirmé que la livraison d'armes n'était «pas à l'ordre du jour», car non «compatible» avec la résolution de l'ONU.

Un navire humanitaire, en provenance de Malte avec 150 tonnes d'aide médicale et alimentaire, a par ailleurs pu apporter un soutien jeudi aux habitants de Misrata, assiégée depuis plus de 40 jours par les troupes pro-Kadhafi, selon un journaliste de l'AFP à bord. Le haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a plaidé en faveur d'un accès immédiat de l'aide humanitaire en Libye.