Quatre jours après le début des frappes sur la Libye, les membres de la coalition ont finalement trouvé un «rôle-clé» pour l'OTAN, jusqu'ici tenue à l'écart de l'opération. La prise du commandement de l'intervention militaire par l'Alliance atlantique est loin de plaire à tous les partenaires, qui cherchent à éviter un affrontement caricatural du type «Occident contre monde arabe».

Dans l'avion présidentiel Air Force One qui le transportait du Chili au Salvador, le président américain, Barack Obama, s'est mis d'accord avec le président français, Nicolas Sarkozy, et le premier ministre britannique, David Cameron, pour inclure l'OTAN dans l'opération Aube de l'odyssée.

Il aura fallu quatre jours avant que l'Alliance atlantique fasse partie de l'intervention. «Les membres ne voulaient pas que l'OTAN, alliance essentiellement occidentale, prenne la responsabilité de la guerre» contre un pays arabe, dit le professeur Houchang Hassan-Yari, du Collège militaire royal du Canada. D'autre part, les réticences de l'Allemagne et de la Turquie à participer à l'opération et les pressions de l'Italie pour que l'OTAN s'en mêle ont poussé la coalition à trouver un rôle à l'organisation.

Mais lequel? Devra-t-elle se limiter à patrouiller dans les eaux méditerranéennes pour intercepter les livraisons d'armes? Ou coordonnera-t-elle le ballet des avions de guerre qui appliquent la zone d'exclusion aérienne et neutralisent les défenses militaires pro-Kadhafi? Les partenaires, selon les déclarations officielles, «se sont entendus sur les modalités d'utilisation des structures de commandement de l'OTAN en soutien à la coalition».

Hier, le secrétaire américain de la Défense, Robert Gates, a estimé que les États-Unis devraient céder la direction de l'intervention militaire en Libye d'ici quelques jours. La question de savoir si ce sera à l'OTAN ou à la France et à la Grande-Bretagne fait débat en Europe.

La France veut garder l'OTAN à distance. «Pour nous, cette opération (...) est conduite par une coalition, a dit le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Ce n'est donc pas une opération de l'OTAN, même si elle doit pouvoir s'appuyer sur les moyens militaires de planification et d'intervention de l'Alliance.»

«Même avec une participation de l'OTAN, la coalition garderait la direction» des opérations, a affirmé à l'AFP une source diplomatique. Une autre source, militaire celle-là, fait valoir que, au sud de la Méditerranée, on voit les États-Unis derrière l'OTAN.

«Qu'a dit la Ligue arabe?» a rappelé le ministre français des Affaires européennes, Laurent Wauquiez. «Si vous mettez l'OTAN, c'est très difficile pour nous de continuer à soutenir (la coalition) parce que nous risquons de nous retrouver dans la caricature d'un affrontement Occident-monde arabe.»

Mais la participation de l'OTAN et de ses 17 avions-radars AWACS pourrait soulager non seulement les Américains, mais également d'autres partenaires si l'opération venait à durer. «On ne sait pas trop où on va. On a mis le doigt dans l'engrenage et on sera peut-être heureux que l'opération soit reprise par l'OTAN» si elle s'éternise, a confié à l'AFP une source militaire française.

Misrata bombardé

Pendant que la coalition discute commandement, les forces pro-Kadhafi se démènent toujours sur le terrain.

À Misrata, dernière ville encore aux mains de l'insurrection dans l'ouest du pays, l'armée fidèle au régime a bombardé la ville et investi ses rues avec des chars sans aucune opposition des forces de la coalition. Un médecin cité par les agences de presse a raconté que les civils étaient victimes de tireurs embusqués. «Il n'y a pas de protection pour les civils, a-t-il déploré. La situation empire, on ne peut rien faire.»

Dans le Nord-Est, les forces pro-Kadhafi tenaient toujours hier la ville d'Ajdabiya, verrou stratégique vers Benghazi. Les rebelles rassemblés aux portes de la ville essuyaient régulièrement des tirs d'artillerie.

La coalition a poursuivi sa campagne de bombardements dans la nuit de lundi à hier et détruit un port militaire à Tripoli. Selon le colonel libyen Abdel-Baset Ali, responsable des opérations, les frappes ont causé des millions de dollars de dégâts mais n'ont pas fait de victime. Des entrepôts de matériel militaire ont été touchés, apparemment par des missiles. Quatre camions équipés de lance-roquettes ont été détruits ainsi que d'autres équipements.