D'abord, neutraliser les défenses aériennes du régime libyen pour imposer efficacement la zone d'exclusion. Ensuite, protéger les civils attaqués par les forces du colonel Kadhafi. Enfin, pousser Kadhafi vers la sortie. C'est ce qu'ont répété hier les partenaires occidentaux de l'intervention militaire en Libye, alors que les voix discordantes se faisaient plus insistantes pour répondre à ces questions: qui dirige cette opération? Et dans quel but?

Les partenaires occidentaux de l'intervention militaire en Libye se sont félicités hier de l'atteinte de leurs premiers objectifs, sans arriver toutefois à balayer les profondes divisions sur la nécessité ou la finalité de ces frappes.

Dans le but de passer de «l'action» à la «patrouille», les forces de la coalition ont expliqué hier qu'elles cherchent à neutraliser le soutien logistique des forces gouvernementales après s'être attaquées aux défenses antiaériennes pendant le week-end. Dans la nuit de dimanche à hier, des missiles ont détruit un bâtiment administratif du complexe résidentiel de Kadhafi, dans le sud de Tripoli. Selon la coalition, il abritait un centre «de commandement et de contrôle». Hier, la coalition internationale aurait visé la ville de Sebha, fief de la tribu du colonel Mouammar Kadhafi, selon le régime.

Au fur et à mesure que l'opération progressera, a estimé le général américain Carter Ham, commandant de l'Africom (commandement régional des forces américaines en Afrique), la zone d'exclusion aérienne s'étendra aux villes de Brega, de Misrata, puis de Tripoli.

Sur le terrain, les effets des frappes se feraient déjà sentir. Mohammed Abdel-Mullah, 38 ans, ingénieur de Benghazi engagé dans l'insurrection, a dit à l'Associated Press que les bombardements de la coalition avaient stoppé les forces pro-Kadhafi: «L'équilibre des forces a beaucoup changé. Mais les partisans de Kadhafi sont encore forts. C'est une armée professionnelle et bien équipée. Nous, les insurgés, sommes des civils à 90%, tandis que les gens de Kadhafi sont des combattants de métier.»

Les forces pro-Kadhafi ont d'ailleurs répliqué en s'attaquant à la ville de Misrata, à l'est de la capitale, où elles ont fait au moins 40 morts et 300 blessés, selon un porte-parole des rebelles et une source médicale. L'information était incertaine concernant Ajdabiya, aux portes de Benghazi, où les forces pro-Kadhafi s'étaient repliées.

Benghazi sauvé?

Hier, la France a qualifié l'opération de «succès» parce qu'elle a évité un «bain de sang» à Benghazi, bastion des rebelles, a déclaré le ministre des Affaires étrangères de la France, Alain Juppé.

C'est aussi l'avis du chef du gouvernement britannique, David Cameron: «Les forces de la coalition ont largement neutralisé les défenses aériennes libyennes et, de ce fait, une zone d'exclusion aérienne a été efficacement mise en place au-dessus de la Libye», a déclaré M. Cameron lors d'une intervention au parlement. Il est «également clair que les forces de la coalition ont aidé à empêcher un massacre sanglant à Benghazi. Et, à mon avis, elles l'ont fait juste à temps», a-t-il ajouté.

Mais, du même souffle, les partenaires ont indiqué que leur intervention n'avait d'autre but pour le moment que de faire respecter la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies appelant à un cessez-le-feu immédiat.

Le départ ou la mort du président Kadhafi n'est pas la priorité de l'intervention occidentale. «Les États-Unis sont d'avis que Kadhafi doit partir», a déclaré hier le président américain, Barack Obama. «Je pense qu'il est clair pour tous que la Libye serait mieux sans Kadhafi, a ajouté le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates. Mais c'est aux Libyens d'en décider.»

Réunion du Conseil de sécurité jeudi?

Le Conseil de sécurité de l'ONU tiendra jeudi une réunion pour débattre de la situation en Libye, a révélé hier soir l'Agence France-Presse, citant un diplomate aux Nations unies qui a témoigné sous le couvert de l'anonymat. «Des consultations vont avoir lieu jeudi. Cela commencera par un compte rendu du secrétaire général» de l'ONU, Ban Ki-moon, a dit ce diplomate à l'issue d'une réunion à huis clos du Conseil de sécurité censée étudier une demande libyenne de réunion d'urgence. La réunion de jeudi ne sera pas une réunion d'urgence et n'est pas motivée par la demande faite par Tripoli ce week-end, a souligné le diplomate.

Appel à l'OTAN

En Italie, d'où partent les avions vers la Libye, le chef du gouvernement, Silvio Berlusconi, a demandé hier soir que l'OTAN prenne le commandement des opérations, faute de quoi, a laissé entendre en matinée le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini, Rome pourrait ne plus autoriser l'usage des bases italiennes.

La réponse est tombée quelques heures plus tard. «L'OTAN jouera un rôle» dans la nouvelle phase militaire en Libye, a déclaré Barack Obama, et c'est une question «de jours, non de semaines». Cela devrait permettre la participation notamment de la Norvège, dont les six F-16 dépêchés hier en Méditerranée pour participer à l'opération n'entameront leur mission que lorsque la question du commandement aura été clarifiée.

Insatisfaite, la Turquie a toutefois redemandé des clarifications sur les plans de l'OTAN en Libye. Hier soir, son chef de la diplomatie, Ahmet Davutoglu, a affirmé que la manière dont la coalition a été constituée pour attaquer ce pays n'est pas conforme aux normes internationales.

Le chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, qui avait soutenu l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne, a estimé que les bombardements s'écartaient de leur but, avant de changer de ton hier et d'affirmer que ses propos de la veille avaient été «mal interprétés». Jusqu'à présent, seul le Qatar s'est vraiment engagé dans l'opération militaire, les Émirats arabes unis ayant affirmé que leur rôle en Libye se limiterait «à l'aide humanitaire».

Avec Daphné Cameron, AFP et AP