Assis sur un matelas posé dans le sable, Youssef caresse une mitrailleuse. Au loin, près d'Ajdabiya, des explosions résonnent dans le désert. «On se repose et on y retourne», dit le rebelle. Ni lui ni l'armée ne semblent être au courant d'un cessez-le-feu.

«Il y a une centaine de soldats de Kadhafi qui se battent contre nous à Zuwaytinah», un village côtier à une trentaine de kilomètres au nord-ouest d'Ajdabiya, assure Youssef al-Chwaidi.

«Depuis hier (jeudi) et encore aujourd'hui, ils bombardent la région par intermittence», dit-il. En quelques heures en milieu d'après-midi, une dizaine de fortes explosions déchirent le ciel libyen.

Youssef, ingénieur du secteur pétrolier, et sa quinzaine d'hommes se reposent loin du front pour quelques heures avant d'affronter de nouveau l'armée du colonel Mouammar Kadhafi, ses avions et son artillerie.

À Tripoli, le régime a annoncé un cessez-le-feu immédiat. Mais à 1 000 km de là, dans le désert parsemé d'herbes folles et où les dromadaires sont les seuls à rompre la ligne d'horizon, nul n'a entendu parler d'une fin des combats.

Seuls une équipe de CNN et un journaliste de l'AFP sont au courant sur place. Mais faute de communications téléphoniques, les insurgés se préparent tout simplement à une énième journée de combats.

Fahker Mohammed Taib est vautré à l'arrière d'un pick-up, les jambes calées sur un canon antiaérien. Avec sept autres rebelles, il revient d'Ajdabiya et décrit des bombardements intenses à la lisière nord-est de la ville.

«Ils bombardent les maisons et nous avons dû partir en vitesse. Ils attaquent avec tous leurs moyens, artillerie, avions, soldats. Il faut demander au président (français Nicolas) Sarkozy de bombarder tout de suite, qu'il tue Kadhafi avant qu'il y ait un massacre», martèle Fahker en rajustant son bonnet.

Quelques minutes plus tard, lui et ses hommes retournent au combat.

La ligne de front, qui n'a cessé d'évoluer depuis une semaine, court désormais autour d'Ajdabiya et zigzague de la mer Méditerranée à la route menant à Tobrouk.

À une soixantaine de kilomètres au nord d'Ajdabiya, le docteur Awaz résume la situation, un théâtre militaire confirmé par plusieurs insurgés: «En gros, les combats, donc les blessés, sont concentrés dans un triangle qui va de Zuwaytinah à Ajdabiya et à une position des forces pro-Kadhafi à une vingtaine de kilomètres au nord de Ajdabiya».

«Les soldats de Kadhafi sont sur tous les axes menant à Ajdabiya, mais la ville elle-même est complètement sous le contrôle des rebelles», affirme-t-il.

«Pour sortir les blessés, il faut slalomer de la route au désert, entre les positions. Ce n'est pas facile pour les ambulances qui sont la cible des tirs de l'armée», dit-il avant de s'interrompre pour soigner un blessé qui vient d'arriver.

Le rebelle blessé soulève son pull et dévoile un trou dans l'épaule. La blessure a blanchi depuis six jours. «J'arrive du front, j'ai été blessé à Ras Lanouf, mais dès que j'aurai été soigné, j'y retournerai», dit-il.

Soudain, la panique s'empare des rebelles. Au loin à l'ouest, trois véhicules se déplacent à grande vitesse dans le désert. «Les militaires de Kadhafi essaient de nous prendre à revers, il faut aller les chercher», crie un insurgé.

Immédiatement, plusieurs pick-up se lancent sur la route, dans la direction de Benghazi. Mais après plusieurs kilomètres de poursuite, les rebelles font demi-tour, bredouilles.

Le cessez-le feu annoncé par Tripoli a déjà 2 heures. Des explosions continuent de résonner. Et les insurgés de nettoyer leurs armes.