L'Otan et l'Union européenne débattent jusqu'à vendredi à Bruxelles des moyens, y compris militaires, pour mettre un terme à une crise aux effets potentiellement dévastateurs en Libye, pays arabe producteur de pétrole, sans provoquer une plus grave déstabilisation encore.

Un déjeuner des ministres des Affaires étrangères de l'UE a ouvert jeudi le bal, pour préparer le sommet spécial sur la Libye qui doit réunir vendredi les 27 chefs d'État et de gouvernement.

Dans l'après-midi, ce devait être au tour des 28 ministres de la Défense de l'Otan, notamment Robert Gates (États-Unis), d'échanger leurs vues jusqu'à vendredi en fin de matinée sur les scénarios imaginables, les moyens à leur disposition et les options à privilégier.

Ces conciliabules ne seront pas de trop. Les Occidentaux marchent sur des oeufs et ne sont pas unanimes quant à la façon de traiter le cas libyen.

«Les avis sont partagés» au sein de l'UE, dont 21 pays appartiennent aussi à l'Otan, à propos de la zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye que prévoit un projet de résolution présenté par la France et la Grande-Bretagne au Conseil de sécurité de l'ONU, selon un diplomate européen.

Interdire à l'aviation de Tripoli de voler est une opération militaire, car elle impliquerait, selon certains, le bombardement préventif des batteries de missiles air-sol libyennes.

La destruction des défenses antiaériennes libyennes n'est pas indispensable à la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne, a estimé pour sa part jeudi le ministre britannique de la Défense, Liam Fox, se démarquant ainsi du Pentagone.

«Il nous faut être très avisés dans nos décisions, si l'on ne veut pas aboutir à un résultat contraire à celui que nous visons», qui est la «paix» et la «liberté» en Afrique du nord, a déclaré à son arrivée le chef de la diplomatie allemande Guido Westerwelle.

«Nous ne voulons pas être entraînés dans une guerre en Afrique du nord», a-t-il ajouté, en se disant «sceptique» quant à l'option d'une zone d'interdiction aérienne.

Son homologue finlandais Alexander Stubb a au contraire souligné que «toutes les options devaient rester ouvertes» au cas où se produirait en Libye un «massacre» ou «un usage d'armes chimiques».

Sur la représentativité des rebelles du Conseil national de transition (CNT) à Benghazi (est), le chef de la diplomatie française Alain Juppé a d'emblée affirmé que Berlin et Paris étaient «en phase», et appelé les Européens «à engager le dialogue» avec les rebelles.

Le colonel Mouammar Kadhafi «s'est discrédité et il doit partir» a-t-il répété, en présence de son collègue allemand, qui a confirmé.

Le matin même, le président français Nicolas Sarkozy avait reçu des émissaires du CNT et la France avait annoncé qu'elle avait reconnu le Conseil comme le seul «représentant légitime du peuple libyen» et enverrait prochainement à Benghazi un ambassadeur.

Quant au régime libyen, le chef de la diplomatie portugaise Luis Amado a été très explicite. «Du point de vue de la communauté internationale, le régime de Kadhafi est fini», de même que sa «légitimité», a-t-il dit.

M. Amado a indiqué qu'il avait lui-même communiqué ce message de vive voix à un émissaire du colonel libyen mercredi à Lisbonne, disant espérer que cela «aura un impact à Tripoli».

L'UE comme l'Otan sont cependant bien conscientes que le monde arabe se méfie des mobiles réels justifiant l'ingérence des pays occidentaux dans ses affaires.

Un haut responsable américain a souligné mercredi que l'Otan ne pourrait statuer sur les modalités et la date d'une zone d'exclusion aérienne que si la démonstration était faite qu'une telle intervention s'impose, qu'elle s'appuie sur une base juridique claire et que les pays de la région l'approuvent et apportent leur coopération.

L'UE et l'Otan envisagent au moins l'un comme l'autre un soutien militaire à l'évacuation de civils fuyant la Libye ou à d'éventuelles opérations d'aide humanitaire, si la dégradation de la situation les rendait nécessaires.