Les forces loyales au numéro un libyen Mouammar Kadhafi ont mené plusieurs raids lundi à Ras Lanouf, poste avancé de la rébellion dans l'Est, la communauté internationale s'inquiétant de l'escalade des violences après la mort de 21 personnes à Misrata dans l'ouest.

Sur le terrain diplomatique, l'ONU a chargé l'ancien ministre jordanien des Affaires étrangères Abdel Ilah Khatib d'entreprendre des «consultations urgentes» avec le gouvernement libyen sur la crise humanitaire provoquée par les combats contre l'insurrection qui secoue le pays depuis trois semaines.

A Washington, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a prévenu les collaborateurs du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi qu'ils devraient rendre des comptes sur les violences.

Plus isolé que jamais sur la scène internationale, le colonel Kadhafi a accusé la France d'«ingérence» dans les affaires intérieures libyennes après le soutien apporté par Paris au Conseil national mis en place par l'opposition à Benghazi, deuxième ville du pays, pour préparer la transition.

Sur le terrain, les violences continuent. Trois raids aériens ont visé lundi le port pétrolier stratégique de Ras Lanouf, pris vendredi par l'insurrection, où des insurgés ont répliqué avec l'artillerie anti-aérienne, selon un journaliste de l'AFP.

Une voiture transportant six membres d'une même famille a été touchée lors d'une frappe. Le véhicule, un pick-up, avait les pare-brise cassés et des taches de sang souillaient l'intérieur de l'habitacle, ont rapporté des témoins.

Dès l'aube, des habitants avaient fui Ras Lanouf, à 300 km au sud-ouest de Benghazi, par crainte des combats qui avaient déjà chassé les insurgés de Ben Jawad, à une quarantaine de kilomètres plus à l'ouest.

Sur la route, un véhicule équipé de haut-parleurs crachait des instructions aux insurgés. «N'allez pas au front devant l'armée. Le pétrole est entre nos mains», vociférait la voix dans le haut-parleur, laissant entendre que le village de Ben Jawad, où les combats dimanche ont fait au moins 12 morts et plus de 50 blessés, ne valait pas un tel sacrifice.

A Misrata, 3e ville du pays, tenue par l'opposition à 150 km à l'est de Tripoli, les combats dimanche ont fait 21 morts, dont un garçon de 2 ans et demi, et plus de 90 blessés, selon un médecin précisant que l'immense majorité des victimes étaient des civils.

Les forces pro-Kadhafi ont attaqué la ville à l'arme lourde pendant toute la journée, a raconté le médecin. «Ils ont tiré sur des civils et des bâtiments. Les rebelles ont riposté et réussi à pousser les forces de Kadhafi hors de la ville», a-t-il ajouté.

L'ONU a demandé dimanche un accès d'urgence aux victimes «blessées et mourantes» de ces bombardements, et a lancé lundi un appel de fonds de 160 millions de dollars pour aider les victimes.

A Washington, la pression montait autour du président Obama pour fournir une assistance militaire aux insurgés et neutraliser l'aviation libyenne, soit par une zone d'interdiction aérienne, soit par une destruction des pistes des aéroports.

«Je veux envoyer un message très clair aux collaborateurs du colonel Kadhafi. C'est à eux qu'il revient de choisir comment ils vont agir à l'avenir. Ils devront rendre des comptes», a souligné M. Obama.

Les diplomates français et britanniques travaillent sur un projet de résolution des Nations unies établissant une zone d'exclusion aérienne et veulent le présenter dans la semaine, a indiqué un diplomate onusien.

Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a estimé que les attaques contre des civils en Libye pouvaient être considérées comme des crimes contre l'humanité et que la communauté internationale ne pourrait pas rester passive si elles se poursuivaient.

Il a cependant répété que l'Otan n'avait «pas l'intention d'intervenir» sans mandat de l'ONU.

Les monarchies arabes du Golfe ont appelé lundi le Conseil de sécurité de l'Onu à «intervenir pour sauver le peuple libyen», alors que la Russie s'est dite opposée à toute ingérence militaire étrangère en Libye.

Après une première série de sanctions incluant un gel des avoirs et une interdiction de visa pour 26 responsables libyens, l'Union européenne vise désormais la Libyan Investment Authority (LIA), fonds souverain du gouvernement libyen.

L'Italie a annoncé avoir établi des contacts «discrets» avec le Conseil national de l'opposition. En revanche, une «équipe diplomatique britannique» venue établir des contacts à Benghazi a dû quitter le pays après avoir été arrêtée et détenue plusieurs jours par l'opposition, qui lui a reproché d'être entrée dans le pays «de manière non officielle et sans aucun accord préalable».

Plus de 191 000 personnes ont fui à ce jour les violences et environ 10 000 personnes déplacées se dirigeaient vers la frontière égyptienne, selon l'ONU.

Les tensions en Libye, qui détient les plus importantes réserves de pétrole d'Afrique, ont continué de se répercuter sur les marchés. Les prix du pétrole grimpaient fortement lundi en cours d'échanges européens, et se hissaient à New York à un nouveau sommet depuis septembre 2008.