Le régime libyen tentait de reprendre la main dimanche, avec des raids aériens contre les insurgés et des manifestations de «victoire» à Tripoli, affirmant avoir reconquis plusieurs villes, ce que l'insurrection dément bien qu'elle ait cédé un peu de terrain.

Au 20ème jour d'insurrection, le colonel Mouammar Kadhafi s'est déclaré favorable à une commission d'enquête «des Nations unies ou de l'Union africaine» pour évaluer la situation. Il a également brandi les spectres d'Al-Qaïda et d'une immigration massive en Europe.

Son fils, Seif al-Islam a assuré que la Libye risquait de devenir «une Somalie de la Méditerranée», avec «des pirates au large de la Sicile, de la Crète» et «des millions de migrants».

Sur le plan politique, le Conseil national créé par l'insurrection le 27 février, qui s'est réuni samedi pour la première fois et s'est déclaré «le seul représentant de la Libye», a reçu le soutien de la France.

Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a cependant estimé qu'une intervention militaire aurait des «effets négatifs» et s'est prononcé en faveur d'une zone d'interdiction aérienne pour empêcher les bombardements.

En revanche, une «équipe diplomatique britannique» venue établir des contacts avec l'opposition à Benghazi, a dû quitter le pays après «avoir connu des problèmes», selon Londres. L'opposition libyenne a déclaré les avoir arrêtés et retenus plusieurs jours parce qu'ils étaient venus dans le pays «de manière non officielle et sans aucun accord préalable».

Dans plusieurs villes, la révolte prend désormais des allures de guerre civile. La télévision d'État libyenne a annoncé que des forces fidèles au colonel Kadhafi étaient en route vers Benghazi, fief de l'opposition à près de 1000 km à l'est de Tripoli.

A Misrata, 3e ville du pays à 150 km à l'est de Tripoli, un habitant et un insurgé ont déclaré par téléphone à l'AFP que la ville était contrôlée par l'insurrection, malgré une offensive gouvernementale à l'arme lourde. «Les chars tirent des obus sur le centre-ville», a expliqué cet habitant.

Dimanche soir, l'ONU a demandé un accès d'urgence aux victimes «blessées et mourantes» de ces bombardements.

L'armée libyenne a déjà tenté ces derniers jours de lancer une contre-offensive pour stopper la progression des insurgés, bombardant Ajdabiya et Brega, à l'ouest de Benghazi.

Mais l'insurrection, un mélange de jeunes sans réelle expérience du combat et de militaires ralliés à l'opposition, a réussi à garder le contrôle de Brega et à avancer jusqu'à la ville pétrolière de Ras Lanouf, à 300 km au sud-ouest de Benghazi.

Le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, Khaled Kaaim, a affirmé à la presse dimanche que Zawiyah (ouest), Misrata et Ras Lanouf étaient «sous notre contrôle, c'est confirmé». La télévision d'État avait déjà affirmé que le gouvernement avait reconquis les deux dernières villes et Tobrouk (est).

Mais les insurgés ont contesté ces informations. Selon des journalistes de l'AFP sur place et les insurgés, Ras Lanouf était toujours contrôlée dimanche par ces derniers.

En revanche, des combats ont forcé les insurgés à se retirer de Ben Jawad, à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Ras Lanouf et d'où ils avaient espéré avancer jusqu'à Syrte, ville natale du numéro un libyen, une centaine de kilomètres plus à l'ouest.

Les combats qui ont débuté après que les miliciens pro-Kadhafi se sont immiscés dans des maisons du village avant l'aube, ont fait deux morts et une trentaine de blessés, dont un journaliste français, selon un médecin.

«Nous sommes arrivés avec des kalachnikov mais ils nous attendaient avec de l'artillerie», a raconté un des rescapés.

La télévision d'État libyenne a accusé dimanche les insurgés d'utiliser des civils comme «boucliers humains» dans certaines villes. M. Kaaim a cependant affirmé: «à Ben Jawad, il n'y a aucun combat».

«L'ordre des forces armées est de prendre des positions défensives, de ne pas engager l'ennemi sauf si celui-ci passe à l'offensive», a assuré M. Kaaim.

Zawiyah, 60 km à l'ouest de Tripoli, où le gouvernement avait mené une importante contre-offensive samedi, est encore sous le contrôle des insurgés, a affirmé un de leur porte-parole à Benghazi, Abdoul Hafiz Ghoqa, soulignant que la ville était à cours de nourriture et de médicaments.

A Tripoli, le régime a orchestré une manifestation de soutien au colonel Kadhafi pour célébrer la «victoire». Soldats, policiers et miliciens ont tiré en l'air en signe de joie. «Nous avons gagné, Al-Qaïda est parti», affirmait un soldat.

Un pont aérien international se poursuivait dimanche à Djerba (sud de la Tunisie) pour rapatrier des milliers de réfugiés égyptiens ayant fui la Libye. Plus de 191 000 personnes ont fui à ce jour les violences et environ 10 000 personnes déplacées se dirigeaient vers la frontière égyptienne, selon l'ONU.

Le Royaume-Uni, qui a déjà évacué vers Le Caire plus de 6000 Égyptiens réfugiés à la frontière tunisienne, a annoncé dimanche qu'il allait rapatrier 500 Bangladais.