La construction d'une prison en Libye par SNC-Lavalin a soulevé des vagues hier à Québec.

La firme montréalaise doit « immédiatement prendre les moyens à sa disposition pour se retirer du projet «, a lancé hier Amir Khadir. Le député de Québec solidaire a interpellé le patron de SNC-Lavalin, Pierre Duhaime. Il veut savoir pourquoi l'entreprise a « jugé bon de construire une prison pour un dictateur «. « Il est inacceptable de voir qu'un de (nos) fleurons économiques est en lien direct avec l'appareil de répression d'une dictature «, a-t-il ajouté.

La critique du PQ en relations internationales, Louise Beaudoin, se disait «étonnée» hier d'apprendre l'existence de cette prison. «SNC-Lavalin ne pouvait pas ignorer que la prison pourrait servir à massacrer, à torturer des citoyens et des prisonniers politiques. Le colonel Kadhafi est un fou furieux, ça fait quand même longtemps qu'on le sait», dit-elle. Elle attendait toutefois d'obtenir des «éclaircissements» de SNC-Lavalin avant de la condamner.

Selon le quotidien RueFrontenac.com, le centre de détention baptisé Guryan Judicial City est construit en banlieue de Tripoli. Le projet de 275 millions de dollars a été suspendu au cours des derniers jours en raison des actes de violence.

RueFrontenac fait ressortir que la firme de génie-conseil est discrète sur ce projet, alors qu'elle décrit abondamment sur son site ses deux autres contrats en Libye, soit la construction de l'aéroport de Benghazi (450 millions de dollars) et l'aménagement de vastes canaux de transport d'eau potable (500 millions).

Droits de l'homme

SNC-Lavalin a confirmé à La Presse avoir obtenu le contrat, sans en préciser l'ampleur. La firme de génie-conseil affirme que la prison répondra aux normes internationales des droits de l'homme. «Nous en sommes fiers et considérons qu'il s'agit d'un important pas en avant pour ce pays. Comme entreprise, c'est une occasion de partager nos valeurs essentielles avec tous les citoyens du monde», souligne Leslie Quinton, porte-parole de l'entreprise.

«Quelle serait l'alternative à la construction d'une prison à la fine pointe conçue selon les plus hautes normes internationales des droits humains?» ajoute Mme Quinton, qui communique seulement par courriel.

SNC soutient qu'elle n'a pas gardé secrète l'annonce du projet. «SNC-Lavalin annonce moins de 1% de ses projets, étant donné qu'elle en a plus de 10 000 en cours. Ce projet sera signalé dans notre rapport annuel 2010.» Ce rapport devrait être publié à la mi-mars.

Le gestionnaire de portefeuille Denis Durand, de Jarislowsky Fraser, savait que le contrat de la prison était imminent, mais doutait qu'il ait été accordé. La firme est pourtant l'un des plus importants actionnaires de SNC-Lavalin, détenant plus de 10% des actions.

SNC n'a pas voulu indiquer à La Presse le nombre de ses employés en Libye ni la part des Canadiens affectés à ses projets «pour des raisons de sécurité».

L'évacuation des employés de l'entreprise va bon train, soutient l'entreprise. «Ceux qui attendent leur transfert demeurent en bonne condition. Ils disposent de réserves de nourriture et d'eau suffisantes et ils sont dans des conditions sécuritaires», écrit la porte-parole.