Les autorités militaires surveillent de près les répercussions que pourrait avoir le retrait de plusieurs centaines de soldats américains de Syrie sur l'intervention militaire canadienne en Irak, a indiqué le commandant en chef des forces spéciales.

Dans une entrevue accordée à La Presse canadienne, le major-général Peter Dawe a prédit que le retrait des États-Unis n'aura aucun impact matériel sur la mission de ses soldats en Irak et au Levant. Celle-ci pourrait être prolongée à la fin du mois de mars.

« Nous surveillons cela de près, toute la coalition... verra éventuellement comment ça se déroule, quels sont les délais, et à quoi ressembleront les plans subséquents, a déclaré M. Dawe. Parce que du point de vue de la coalition, il y a des conséquences plus étendues. »

Les États-Unis ont annoncé vendredi qu'ils prévoyaient laisser environ 400 soldats en Syrie, le dernier avatar des plans du Pentagone depuis que le président Donald Trump a ordonné la fin de l'intervention américaine, en décembre.

L'armée américaine a 2000 soldats en Syrie afin de combattre l'État islamique, même si le groupe extrémiste a perdu la quasi-totalité des territoires qu'il avait conquis en Syrie et en Irak. Plusieurs craignent qu'un retrait américain permette aux combattants islamistes de se regrouper.

Le Canada compte actuellement environ 500 soldats en Irak, dont 200 entraîneurs et 120 membres des Forces spéciales. Leur mission est d'aider les forces irakiennes à éliminer les derniers insurgés de l'EI autour de la ville de Mossoul, dans le nord du pays.

Un récent rapport de l'inspecteur général du département américain de la Défense citait le Commandement central des États-Unis - qui supervise la mission irakienne - qui faisait part des mêmes préoccupations et qui suggérait une montée de l'EI en Irak.

« Si les revendications socio-économiques, politiques et sectaires sunnites ne sont pas correctement prises en compte par les gouvernements nationaux et locaux d'Irak et de Syrie, il est très probable que Daech aura la possibilité de créer les conditions d'une résurgence et d'un contrôle territorial », peut-on lire dans le rapport.

« Actuellement, Daech reconstitue des fonctions et des capacités clés plus rapidement en Irak qu'en Syrie, mais en l'absence de pressions soutenues [antiterroristes], il pourrait probablement ressurgir en Syrie d'ici six à douze mois et recouvrer un territoire limité. »

Des intentions vagues

Le gouvernement Trudeau n'a pas encore annoncé s'il prolongerait la mission des forces spéciales dans le nord de l'Irak, qui a commencé en septembre 2014, alors que les troupes canadiennes travaillaient avec les forces kurdes pour freiner les avancées de l'EI.

Cela pourrait s'expliquer en partie par l'incertitude entourant les plans américains pour la Syrie.

Le général Dawe, qui dit n'avoir reçu aucun ordre de retrait du gouvernement, a indiqué que ses troupes aidaient maintenant les forces irakiennes dans le cadre de missions anti-insurrectionnelles pour éliminer les combattants de l'EI restants autour de Mossoul.

La ville a été libérée en juillet 2017 après trois ans d'occupation.

Sans entrer dans les détails, pour des raisons de sécurité opérationnelle, M. Dawe a déclaré que les troupes canadiennes continuaient leur mandat de « conseiller et aider ».

Ils fournissent ainsi aux forces irakiennes des informations et des renseignements et les aident à planifier des missions contre les caches d'armes et les cachettes de l'EI.

« C'est très différent de ce que nous faisions avec nos partenaires kurdes le long de la ligne de défense kurde où, en raison de la nature même du travail que nous y effectuions, nous devions être... physiquement à proximité pour conseiller et assister la ligne de défense », a-t-il expliqué.

« C'est un peu différent parce que les Irakiens sont très proactifs et s'attaquent aux insurgés de manière assez chirurgicale. »

Des questions et des préoccupations ont été soulevées dans le passé sur les comportements de certaines troupes de sécurité irakiennes. Des allégations de torture, d'enlèvements et d'exécutions extrajudiciaires ont notamment fait surface.

Le général Dawe assure toutefois que les unités avec lesquelles ses troupes sont partenaires ont été soigneusement examinées.

« Je peux vous dire que nous avons passé beaucoup de temps dans cet espace à veiller à ce que les personnes avec qui nous travaillons en partenariat soient professionnelles et respectent les normes appropriées », a-t-il déclaré.