L'ébauche d'une solution politique à la guerre en Syrie est en panne : le gouvernement syrien a annoncé cette semaine à l'ONU son rejet d'un Comité constitutionnel vu comme la première pierre à un règlement politique du conflit, provoquant la condamnation des Occidentaux.

Vendredi, lors d'une réunion du Conseil de sécurité convoquée en urgence par les États-Unis, l'émissaire onusien pour la Syrie, Staffan de Mistura, qui s'est rendu mercredi à Damas, a confirmé le blocage du gouvernement syrien.

Depuis janvier, le médiateur, qui doit quitter ses fonctions fin novembre, travaille sur la composition du Comité qui doit élaborer une nouvelle Constitution et comprendre selon son plan 150 personnes : 50 choisies par le régime, 50 par l'opposition et 50 par l'ONU pour inclure dans la réflexion des représentants de la société civile et des experts.

C'est cette dernière liste de 50 noms choisis par l'ONU que rejette le gouvernement syrien.

À Damas, le chef de la diplomatie syrienne, « Walid Mouallem, n'a pas accepté de rôle de l'ONU pour identifier ou choisir qui composerait cette troisième liste », a déclaré l'émissaire de l'ONU lors d'une liaison vidéo avec le Conseil de sécurité.

« Au contraire, M. Mouallem a indiqué que le gouvernement syrien et la Russie s'étaient mis d'accord récemment pour que les trois pays garants du processus d'Astana [Russie, Iran, Turquie] et la Syrie fasse une proposition sur cette troisième liste », a-t-il ajouté.

« M. Mouallem a suggéré que je retire la troisième liste déjà sur la table ». C'est possible mais « uniquement s'il y a un accord sur une nouvelle liste crédible, équilibrée et inclusive en accord avec la résolution 2254 du Conseil de sécurité et la déclaration finale de Sotchi » sur la création d'un Comité constitutionnel qui avait été approuvée en janvier, a précisé M. de Mistura.

« Inacceptable » pour Washington

Sans surprise, les Occidentaux, États-Unis, France et Royaume Uni en tête, ont vivement condamné le blocage de Damas à la création du Comité constitutionnel et réclamé qu'il soit réuni au plus vite.

« L'ONU doit avancer rapidement pour réunir le Comité constitutionnel », a souligné l'ambassadeur des États-Unis adjoint, Jonathan Cohen. « Les Nations unies ont un contrôle exclusif de la composition du Comité, de son calendrier et de son programme de travail », a-t-il fait valoir. « Une poursuite du blocage à la formation du Comité est inacceptable », a asséné le diplomate américain.

« Le risque d'une nouvelle escalade n'est pas écarté. Il ne le sera qu'avec une solution politique crédible et inclusive » au conflit, a renchéri l'ambassadeur français à l'ONU, François Delattre. « Il est normal que l'ONU soit impliquée dans le processus politique », a abondé son homologue britannique Karen Pierce, en évoquant le vaste engagement humanitaire des Nations unies dans le pays.

L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, a critiqué la tenue de la réunion du Conseil de sécurité qui avait déjà entendu Staffan de Mistura la semaine dernière.

« On ne peut pas aller contre la volonté de la Syrie », a-t-il souligné. « Nous allons aider Staffan de Mistura à créer ce Comité constitutionnel dans le respect de la souveraineté syrienne », a-t-il ajouté, en appelant l'émissaire « à la prudence » et en soulignant, allusion à son prochain départ, qu'il n'avait pas à faire de ce sujet son « testament politique ».  

L'émissaire onusien a précisé qu'il participerait samedi à Istanbul au sommet sur la Syrie qui réunira les dirigeants turc, russe, français et allemand.

Ce sommet sera suivi lundi à Londres d'une réunion du « small group », une coalition ad hoc de pays qui réunit sur le dossier syrien les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Égypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite, a aussi indiqué le responsable de l'ONU.

Staffan de Mistura entend réunir ensuite à Genève les garants du processus de paix d'Astana sur la Syrie, à savoir la Russie et l'Iran qui soutiennent Damas, et la Turquie, parrain des rebelles.

Le conflit syrien a fait plus de 360 000 morts, se complexifiant au fil des ans avec l'implication de groupes djihadistes et de puissances étrangères.

Le processus de négociations parrainé par l'ONU a été largement éclipsé par les diplomaties parallèles menées par Moscou, Téhéran et la Turquie.