La première ministre britannique Theresa May réunit son gouvernement en urgence jeudi après-midi pour discuter d'une éventuelle participation du Royaume-Uni à des frappes américaines en Syrie sans attendre un vote du Parlement, une action qui divise son pays.

Selon ses services, Mme May a convoqué ses ministres pour «discuter de la réponse à apporter aux événements en Syrie», où le régime de Bachar al-Assad aurait perpétré une attaque chimique sur la ville rebelle de Douma, faisant une quarantaine de morts selon Washington et ses alliés.

«Tout indique que le régime syrien est responsable» de cette attaque «barbare», a déclaré la cheffe du gouvernement mercredi. «Le recours à des armes chimiques ne peut rester sans réponse», a-t-elle poursuivi. «Nous allons travailler avec nos alliés les plus proches sur la manière d'assurer que les responsables rendent des comptes».

Donald Trump a averti mercredi d'une riposte occidentale imminente, annonçant dans un tweet l'arrivée de missiles «beaux, nouveaux et "intelligents"». La France va annoncer «dans les prochains jours» une «décision» en accord avec ses alliés américain et britannique, qui viserait «les capacités chimiques» du régime de Damas.

Uen telle action militaire des Américains, soutenus par la France et possiblement le Royaume-Uni, s'inscrit dans un contexte de Guerre froide entre l'Ouest et la Russie.

Selon les quotidiens conservateurs Times et Daily Telegraph, Mme May devrait recevoir le soutien de ses ministres, d'autant que le Royaume-Uni a bénéficié de la solidarité occidentale face à la Russie après l'empoisonnement d'un ex-agent double russe en Angleterre début mars, attribué par Londres à Moscou.

Des sous-marins de la Royal Navy armés de missiles de croisière seraient même en train de se positionner à portée de tir de la Syrie, ont affirmé plusieurs quotidiens britanniques.

«Guerre chaude»

Formellement, Theresa May peut engager son pays dans une action militaire sans consulter le Parlement, qui n'est pas en session jusqu'au 16 avril, vacances de Pâques obligent.

Une pratique s'est toutefois établie depuis l'engagement du Royaume-Uni en Irak en 2003, consistant à soumettre les opérations militaires à l'étranger à un débat et un vote parlementaire - rétrospectif pour l'intervention en Libye en 2011.

En 2014 puis en 2015, les députés avaient donné leur feu vert à la participation à des raids de la coalition internationale menée par les États-Unis contre le groupe djihadiste État islamique en Irak et en Syrie. Le Parlement s'était cependant opposé en 2013 à des frappes aériennes contre le régime de Bachar al-Assad.

De nombreux députés ont cette fois appelé le Royaume-Uni à agir contre le régime syrien, soulignant que le recours aux armes chimiques ne pouvait rester impuni.

Mais le pays reste hanté par son déploiement très controversé en Irak en 2003, aux côtés des Américains, au motif de la présence d'armes de destruction massive qui n'ont finalement jamais été trouvées. Cette opération a instillé un profond sentiment de méfiance vis-à-vis des interventions militaires.

Selon un sondage YouGov publié dans The Times, 43% de personnes interrogées s'opposent à des frappes aériennes en Syrie, 34% sont incertaines et seules 22% soutiennent une telle action.

Le Parti travailliste, principale formation de l'opposition, a réclamé un vote des parlementaires. «Le Parlement devrait toujours avoir son mot à dire sur toute action militaire», a déclaré son chef, Jeremy Corbyn, à la BBC. «Nous ne voulons pas d'un bombardement qui mène à une escalade et à une guerre chaude entre la Russie et l'Amérique dans le ciel syrien».

Des appels à la prudence se sont également fait entendre au sein du Parti conservateur au pouvoir.

«Ce que nous avons ici en Syrie, c'est un choix entre des monstres d'un côté et des fous de l'autre», a déclaré Julian Lewis, le président de la commission de la Défense de la Chambre des communes.

«Nous devons répondre clairement au scandale chimique en Syrie. Mais le Parlement doit être impliqué avant l'approbation de toute opération militaire. Le gouvernement doit notamment expliquer qui sera renforcé si et quand Assad est affaibli, et ce qui se passera après», a estimé un autre député Tory, Zac Goldsmith.