Une énième réunion sur la Syrie à l'ONU s'est transformée lundi en chambre d'accusation contre la Russie, accusée par les États-Unis, la France, le Royaume-Uni d'être responsable de l'absence de cessez-le-feu dans la Ghouta orientale.

Arrêtez avec les «reproches sans fin contre la Russie!», a lancé froidement l'ambassadeur russe Vassily Nebenzia, après des interventions de ses homologues américain, français et britannique. Dans leurs discours, les États-Unis ont cité «22 fois» la Russie, la France «16 fois», le Royaume-Uni «12 fois», a-t-il ironisé.

La réunion de lundi était imposée par la résolution 2401 votée le 24 février à l'unanimité des 15 membres du Conseil de sécurité. Le texte exigeait du chef de l'ONU, Antonio Guterres, un rapport «dans les 15 jours» sur l'exigence d'un cessez-le-feu d'un mois en Syrie.

Tous les participants ont convenu lors de la réunion - tenue 16 jours après le vote d'une trêve - que le cessez-le-feu n'était pas respecté.

Pour la France, «la Russie peut faire arrêter le bain de sang», a déclaré l'ambassadeur français François Delattre. «Nous savons que la Russie, compte tenu de son influence sur le régime, de sa participation aux opérations, a la capacité de convaincre le régime par toutes les pressions nécessaires d'arrêter cette offensive terrestre et aérienne» contre la Ghouta orientale, a ajouté le diplomate français.

La Russie a mené «au moins 20 missions de bombardements quotidiens à Damas et dans la Ghouta orientale pendant les quatre premiers jours» ayant suivi l'adoption de la résolution de trêve, a renchéri l'ambassadrice américaine Nikki Haley.

Face à la non-application du cessez-le-feu et au vu des comportements de la Russie et du régime syrien, «l'heure est venue d'agir», a-t-elle souligné, en annonçant un nouveau projet de résolution sur une trêve immédiate en Syrie. Le texte est «simple, contraignant» et «ne permet aucun contournement», a-t-elle ajouté.

L'ambassadrice américaine n'a pas dit quand il serait mis au vote du Conseil de sécurité.

«Faille» et «feu»

Nikki Haley a accusé Moscou d'avoir «exploité une faille» de la résolution de la fin du mois de février qui prévoyait des exceptions au cessez-le-feu pour la lutte contre des «groupes terroristes» et leurs affidés. Pour Moscou comme pour Damas, tous les groupes rebelles dans la Ghouta orientale sont «terroristes», a-t-elle rappelé. Ni Damas ni la Russie «n'avaient l'intention d'appliquer le cessez-le-feu», a estimé Nikki Haley.

«Est-ce que la Russie est devenue l'outil de Bachar al-Assad et au pire de l'Iran ?», a insisté la diplomate américaine.

Les positions occidentales traduisent une «ligne politique» qui «n'est pas motivée par des considérations humanitaires», a rétorqué Vassily Nebenzia, en laissant entendre que les accusateurs cherchent surtout à défendre des opposants à Damas. Les autorités syriennes ont «le droit de se défendre contre des terroristes», a-t-il dit.

L'ambassadeur britannique adjoint, Jonathan Allen, a assuré qu'il y aura «des comptes à rendre» et que le «rôle de la Russie qui soutient Damas ne sera pas oublié». L'ambassadeur péruvien, Gustavo Meza-Cuadra, a aussi souligné que «le terrorisme ne devait pas être un prétexte pour violer les droits de l'Homme».

Sans citer la Russie, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé «tous les États» à faire appliquer la trêve et permettre que de l'aide internationale parvienne aux civils. Il est devenu «urgent de permettre des évacuations humanitaires», a-t-il réclamé.

«L'offensive terrestre et aérienne du régime se poursuit sous un déluge de feu. Les civils ne sont pas des victimes collatérales mais les cibles même de cette offensive», a abondé François Delattre.

La France veut, a-t-il ajouté, «des mesures concrètes», à commencer par «le départ des combattants terroristes de la Ghouta» avec l'«aide active de l'ONU». «Au-delà, il nous faut un dispositif robuste pour suivre heure par heure la cessation des hostilités, l'évacuation des blessés, l'acheminement de l'aide humanitaire», a-t-il ajouté.

L'ambassadeur russe a assuré que Moscou faisait «des efforts concrets» pour cette aide humanitaire. Il a précisé que des militaires russes avaient participé à la sécurisation de récents convois humanitaires de l'ONU dans la Ghouta orientale, une information confirmée de sources diplomatiques occidentales.