Les hostilités ont repris mardi entre l'armée syrienne et les insurgés, compromettant une trêve humanitaire dans l'enclave rebelle assiégée dans la Ghouta orientale, où près de 600 civils ont péri en dix jours de bombardements du régime.

La trêve quotidienne de cinq heures - de 9h00 à 14h00 (2h00 à 7h00 HE) - pour permettre l'entrée de l'aide ou la sortie d'habitants ou de blessés de l'enclave, a été décrétée lundi par la Russie, le grand allié du régime de Bachar al-Assad, mais les protagonistes se sont aussitôt accusés mutuellement de l'avoir violée.

Elle a été annoncée quatre jours après le vote par le Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution réclamant une trêve «sans délai» de 30 jours dans toute la Syrie, ravagée par la guerre depuis le 15 mars 2011, qui n'a pas été suivie, elle non plus, d'effet.

Après une nuit relativement calme, l'aviation et l'artillerie du régime ont de nouveau bombardé mardi l'enclave contrôlée par les rebelles dans la Ghouta orientale, une vaste région dont les deux tiers sont aux mains des forces prorégime.

«Obus, bombes et barils d'explosifs ont été déversés sur l'enclave rebelle», tuant sept civils, dont deux enfants, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). En outre, 14 cadavres ont été retirés des décombres, a ajouté l'ONG. Parmi eux, cinq enfants.

De son côté, l'agence officielle Sana a fait état d'un mort et de cinq blessés dans la chute de roquettes tirées par les rebelles sur Damas. D'autres tirs ont visé selon elle un couloir humanitaire au niveau du secteur d'Al-Wafidain, pour empêcher les civils de quitter l'enclave.

«Une farce»

Ces accusations ont été relayées par l'armée russe selon laquelle les rebelles ont lancé une «offensive» contre les positions des prorégime dans la Ghouta pendant la «trêve humanitaire».

«Pas un seul civil n'est sorti» du fief rebelle en raison des tirs des insurgés, a indiqué le général russe Viktor Pankov.

Grâce à l'appui militaire de Moscou depuis 2015, le régime a renversé la donne en multipliant les victoires face aux rebelles et aux jihadistes, jusqu'à reprendre le contrôle de plus de la moitié du territoire. Il cherche actuellement à reconquérir la partie rebelle de la Ghouta, la dernière contrôlée par les insurgés aux portes de Damas.

Du 18 au 25 février, le régime a soumis l'enclave rebelle à un déluge de feu. Les deux derniers jours, les bombardements ont continué sur la région, mais avec une moindre intensité. Au total, 582 civils y ont été tués dont près de 150 enfants, selon l'OSDH.

D'après des correspondants de l'AFP, des habitants terrés dans des sous-sols avaient quitté leurs abris le matin au début de la trêve afin d'inspecter leurs maisons et de s'approvisionner. Mais ils y sont aussitôt retournés.

À Douma, principale ville de l'enclave, des habitants ont exprimé leur scepticisme sur la «trêve», en anticipant une réédition du scénario observé fin 2016 à Alep, la deuxième ville de Syrie reprise par le régime à coups de bombardements féroces et après un siège asphyxiant.

«Cette trêve est une farce. Je ne peux pas faire confiance à ses auteurs pour partir avec ma famille. C'est le régime qui nous tue, comment pourrais-je lui faire confiance ?», a affirmé à l'AFP Samer al-Bouydani.

«Nous avons deux options: mourir ou partir. La campagne menée jusque-là était une opération d'extermination», a dit Mohammed Al-Abdallah, originaire de Hammouriyé, en réclamant des «garanties internationales» pour sortir de l'enclave.

«Pompier, pyromane»

Avec la reprise des bombardements, l'ONU a estimé «impossible» d'envoyer des convois d'aide dans l'enclave rebelle assiégée depuis 2013 et dont les quelque 400 000 habitants subissent, en sus du pilonnage, pénuries de nourritures et de médicaments.

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), plus de 700 personnes ont besoin d'une évacuation médicale urgente après que l'offensive du régime a mis hors d'état plusieurs hôpitaux et provoqué un bond des prix des aliments de première nécessité.

Pour le commandant des Forces américaines au Moyen-Orient, le général Joseph Votel, la Russie «joue à la fois le rôle de pyromane et celui de pompier», ce qui est «extrêmement déstabilisant». Elle «doit admettre qu'elle n'est pas capable de mettre fin au conflit syrien, ou alors qu'elle ne le souhaite pas».

Une attitude qui illustre les profondes divergences persistantes de la communauté internationale sur le conflit qui entrera le 15 mars dans sa huitième année sans qu'aucune solution ne pointe à l'horizon.

Déclenché en 2011 par la répression de manifestations pacifiques, ce conflit s'est complexifié au fil des ans avec l'implication de pays étrangers et de groupes djihadistes. Il a fait plus de 340 000 morts et jeté à la rue des millions de personnes.