La Russie, allié indéfectible du régime syrien, a ordonné l'instauration, à partir de mardi, d'une « trêve humanitaire » quotidienne dans la Ghouta orientale, où de nouveaux bombardements meurtriers ont eu lieu lundi malgré le récent appel de l'ONU à un cessez-le-feu en Syrie.

Outre cette trêve - de cinq heures par jour seulement -, des « couloirs humanitaires » seront définis pour l'évacuation des civils, a annoncé Moscou. Si le pilonnage du régime syrien a baissé en intensité ces dernières 48 heures, cette campagne aérienne, d'une rare violence, a tué plus de 550 civils depuis le 18 février.

L'annonce russe intervient alors que l'ONU et plusieurs puissances occidentales ont demandé l'application immédiate d'une résolution du Conseil de sécurité réclamant une trêve « sans délai » de 30 jours dans toute la Syrie. Adoptée samedi, elle est jusque-là restée lettre morte.

« Sur ordre » du président Vladimir Poutine, et pour « éviter les pertes parmi les civils de la Ghouta orientale, une trêve humanitaire quotidienne sera instaurée à partir du 27 février de 9 h à 14 h », a indiqué le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, cité par les agences russes.

Selon M. Choïgou, des « couloirs humanitaires » seront mis en place pour permettre l'évacuation des civils. « Leurs coordonnées sont prêtes et seront rendues publiques bientôt », a-t-il précisé.

Lundi, le régime de Bachar al-Assad a mené raids aériens et tirs d'artillerie sur l'enclave assiégée située à l'est de Damas, tuant 22 civils dont sept enfants, principalement des habitants de Douma, la grande ville de la Ghouta, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Parmi les victimes figurent neuf personnes d'une même famille : ils ont péri sous les décombres de leur maison, touchée par des frappes nocturnes, selon l'ONG.

D'après un correspondant de l'AFP, les civils de Douma sont restés terrés dans des sous-sols, craignant le déluge de feu, et seuls de rares habitants se sont aventurés dans des rues désertes pour tenter de s'approvisionner en nourriture.

« Enfer sur terre »

Peu avant l'annonce de Moscou, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait appelé à ce que la trêve réclamée aux Nations unies soit « immédiatement appliquée », rappelant que la Ghouta orientale était un « enfer sur Terre ».

Appuyé par son allié russe, le pouvoir de Damas a recours aux bombes, barils d'explosifs et obus dans cette région rebelle. Son opération est d'une rare intensité, même pour un pays déchiré depuis 2011 par un conflit qui a fait 340 000 morts et provoqué une grave crise humanitaire.

Assiégée depuis 2013, la région et ses quelques 400 000 habitants subissent pénuries de nourritures et de médicaments.

La représentante de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, avait également réclamé une application immédiate de la trêve, jugeant que « la situation sur le terrain se détériore de façon dramatique ».

Dans la Ghouta orientale, les mêmes scènes tragiques se répètent au quotidien. Des enfants au visage piqueté de blessures, des hommes à la tête et aux jambes bandées, allongés sur des lits d'hôpitaux bondés. Des immeubles à la façade éventrée et des rues jonchées de décombres.

Depuis l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, le président de l'OSDH Rami Abdel Rahmane assure néanmoins que « les bombardements ont baissé en intensité par rapport au pic de violence de la semaine dernière ».

« Les frappes visent moins de zones civiles et se concentrent plus sur les fronts », a-t-il précisé, ajoutant que des combats au sol dans le sud de la région « se poursuivent avec une intensité irrégulière » depuis dimanche.

« Gaz de chlore »

Par le passé, plusieurs cessez-le-feu temporaires ont été adoptés pour imposer des trêves en Syrie. Leur entrée en vigueur peut parfois prendre du temps, et souvent ils finissent par voler en éclats.

Le scénario dans la Ghouta pourrait rappeler celui d'Alep en 2016 : Moscou avait instauré une trêve unilatérale pour permettre l'évacuation des civils et le retrait des combattants, avant que le régime ne reprenne entièrement le contrôle de la ville.

Lundi, le président français Emmanuel Macron a de son côté exprimé ses « vives préoccupations » face à la poursuite des bombardements dans la Ghouta orientale.

Paris doit dépêcher mardi en Russie son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, alors que la France et l'Allemagne avaient appelé Moscou à exercer une « pression maximale » sur la Syrie en vue d'une application « immédiate » de la trêve.

Dimanche soir, 14 cas de suffocation, dont celui d'un enfant, qui est décédé, ont été rapportés par l'OSDH, après un bombardement du régime.

Un médecin ayant soigné les patients, le Dr Yaacoub, a évoqué des « soupçons d'utilisation d'armes chimiques, probablement une attaque au gaz de chlore ».

Un responsable du puissant groupe rebelle islamiste Jaich al-Islam, Mohamed Allouche, avait alors accusé le régime sur son compte Twitter.

Moscou a dénoncé lundi de « fausses informations ». La veille, le ministère de la Défense avait pointé du doigt les insurgés, assurant qu'ils prévoyaient « un recours à des substances toxiques afin d'accuser les forces gouvernementales d'utiliser des armes chimiques contre la population civile ».

Entre-temps, les patients d'un hôpital de la Ghouta ont reçu dimanche soir les premiers soins. Parmi eux, des enfants respirant les yeux fermés dans un masque à oxygène et des bébés en pleurs.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Faisant fi d'une résolution de l'ONU, qui a réclamé samedi une trêve de 30 jours en Syrie pour distribuer des aides humanitaires et évacuer les blessés les plus graves, le régime a mené lundi raids aériens et tirs d'artillerie sur la Ghouta.