Des dizaines de civils ont péri mercredi sous les bombes de l'armée de l'air syrienne qui frappe sans relâche depuis trois jours une enclave rebelle près de Damas, les bombardements les plus intenses depuis des mois dans la Syrie en guerre.

Secouristes et hôpitaux sont débordés par l'afflux de victimes dans les différentes localités de l'enclave assiégée de la Ghouta orientale, où 145 civils, dont des femmes et des enfants, sont morts en trois jours de bombardements aériens, l'un des pires bilans en sept ans de conflit.

Ces frappes sont menées alors que le régime de Bachar al-Assad a été accusé d'avoir eu recours ces dernières semaines à des armes chimiques, notamment du chlore, dans des attaques contre des régions rebelles, notamment la Ghouta orientale.

L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) va ainsi étudier les «allégations crédibles» sur l'usage de telles armes, malgré les démentis répétés du pouvoir syrien.

Pour le troisième jour consécutif, le ciel a grondé au-dessus de plusieurs localités de la Ghouta, et 34 civils, dont 12 enfants, ont été tués, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Dans la localité de Hammouriyé, un jeune homme était figé devant les corps sans vie de cinq enfants, dont celui de son jeune frère tué dans un raid, selon un correspondant de l'AFP.

«Mettez-vous à l'abri»

«S'il vous plaît, mettez-vous à l'abri et dégagez les rues», ont lancé aux habitants les haut-parleurs des mosquées de Douma, une autre localité de la Ghouta.

D'épaisses colonnes de fumée noire se sont élevées de la localité d'Arbine visée, elle aussi, par les bombardements aériens.

Mardi, les frappes ont tué 80 civils, dont 19 enfants et 20 femmes, et blessé près de 200, selon l'OSDH.

«C'était la journée la plus sanglante depuis neuf mois dans toute la Syrie, et l'une des plus meurtrières dans la Ghouta orientale depuis des années», a indiqué le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.

Lundi, les frappes aériennes et les tirs d'artillerie avaient tué 31 civils.

En représailles aux frappes sur la Ghouta, les rebelles mènent des tirs d'artillerie sur la capitale, et mardi un enfant a été tué dans la banlieue de Damas, selon l'agence officielle Sana.

Avec près de 400 000 habitants assiégés par les forces du régime depuis 2013, la Ghouta orientale est l'une des quatre zones de désescalade instaurées l'an dernier en Syrie pour obtenir une trêve dans les combats.

Mais le cessez-le-feu est resté lettre morte.

Selon des diplomates, le Conseil de sécurité de l'ONU a prévu jeudi une réunion à huis clos pour discuter d'une trêve humanitaire d'un mois en Syrie, réclamée par les agences de l'ONU basée à Damas.

Soutenu militairement par la Russie depuis 2015, le régime syrien a réussi à vaincre rebelles et jihadistes sur plusieurs fronts et à reprendre de vastes régions, contrôlant désormais plus de la moitié du territoire.

Le conflit, déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, s'est complexifié avec l'implication de puissances étrangères et de groupes jihadistes sur un territoire morcelé. Il a fait 340 000 morts et jeté à la rue des millions de personnes.

«Campagne de propagande»

Sans oublier les accusations de recours à l'arme chimique dans la guerre, lancées ces dernières semaines contre le régime, qui dément.

L'une de ces attaques aurait eu lieu à Saraqeb, localité de la province d'Idleb (nord-ouest) contrôlée par les jihadistes et les rebelles, où 11 cas de suffocation ont été rapportés, selon l'OSDH.

Le 22 janvier, l'ONG a rapporté 21 cas de suffocation dans la Ghouta orientale, des habitants et des sources médicales évoquant une attaque au chlore.

Moscou, allié indéfectible de M. Assad, a dénoncé une «campagne de propagande» visant à accuser le gouvernement syrien d'attaques dont «les auteurs ne sont pas identifiés».

Mais pour la France, «tout indique que du chlore est utilisé par le régime».

Les États-Unis ont eux indiqué avoir répertorié six attaques suspectes ces 30 derniers jours.

Il y a des «preuves évidentes» pour confirmer le recours à du chlore, a déclaré Nikki Haley, ambassadrice américaine aux Nations unies.

Après une attaque chimique attribuée au régime en 2013 dans la Ghouta (1429 morts selon les États-Unis), M. Assad avait accepté de remettre son arsenal chimique déclaré ans le cadre d'un accord supervisé par l'OIAC.

Enfin, l'armée syrienne a annoncé avoir détruit des missiles israéliens tirés sur une position militaire à Jamraya, près de Damas. Cette localité abrite une branche d'un centre de recherches scientifiques du régime (SSRC), soupçonné pour son rôle dans la production d'armes chimiques.